Paris, 22 janvier 1739
J'ai en horreur les libelles satiriques, monsieur; jugez donc de ce que je pense de celui que l'abbé D. F. vient de publier contre vous.
C'est le comble de l'injustice et de l'ingratitude, et ainsi de la noirceur. La sorte de réponse que vous lui voulez faire me paraît la plus convenable. Il faut, en exposant dans une requête ce qu'est l'abbé D. F., convaincre m. le cardinal et m. le chancelier combien il est indécent et dangereux même pour les lettres de lui laisser faire un journal. Mais il ne me paraît point nécessaire que cette requête soit signée d'autres que de vous. La principale force doit lui venir des raisons que vous y exposerez. Quant à m. Audry, il a un mépris pour l'homme en question qui le rend peu sensible à toutes les injures qu'il en peut recevoir. D'ailleurs, il n'y a qu'une ligne qui le regarde dans le dernier libelle de l'abbé, et m. Audry convient volontiers qu'il la mérite et qu'il est l'agresseur. Il a fait un livre dans la dispute des médecins et des chirurgiens où l'abbé D. F. est fort maltraité.
Je souhaiterais qu'il y eût à la fois dans votre requête de la force et un air de modération. Vous êtes bien capable de concilier tout cela; vous faites les choses comme vous les voulez.
J'étais persuadé, avant que vous me l'eussiez écrit, que le Préservatif n'est point de vous. Mais il faut avouer qu'il n'a guère dû moins choquer l'abbé D. F. pour n'être que d'un de vos amis. Il est visible que cet ami y a recueilli ce qu'il vous a entendu dire. Il n'écrit pas si bien que vous, mais il écrit d'après vous; et enfin la pièce offensante, c'est la lettre qui y est insérée. Les remarques sur les Observations ne sont rien en comparaison.
Je reçois dans ce moment la lettre de madame Du Châtelet. Je suis l'approbateur des feuilles de l'abbé Prévost, et je ne permettrai point que la lettre de m. Thiériot y soit imprimée. Mais je ne crois pas que ce soit le dessein de votre ami. Il me parla de cette lettre, il y a quelque temps, et lui ayant demandé s'il la ferait imprimer, il me répondit qu'il se contenterait qu'il en connût quelques lignes, ou même qu'elle fût lue à diverses personnes. Il me paraîtrait pourtant essentiel que le désaveu de m. Thiériot fût bien public. Mais il ne faut point que ce soit par une lettre adressée à votre illustre amie. Permettez moi de l'assurer ici de mes très humbles respects.
On a imprimé furtivement un recueil de pièces diverses où se trouve l'Antimondain sous le nom de m. Piron. Cette pièce assez mauvaise ne lui ressemble en rien. Il m'a prié de vous assurer qu'il n'en était point l'auteur.
Parmi les œuvres mêlées de l'abbé Nadal, il y a quelques écrits où vous êtes critiqué avec beaucoup d'injustice et d'impolitesse. Je m'en suis plaint à m. de Boze, l'approbateur. Il m'a assuré et m'a prié de vous assurer qu'il n'avait vu aucun de ces écrits. C'est une supercherie que l'abbé Nadal lui a faite.
Je suis avec beaucoup d'estime et d'attachement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Trublet