1725-05-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marguerite Madeleine Du Moutier, marquise de Bernières.

Hier à dix heures et demie le roy déclara qu'il épousoit la princesse de Pologne, et en parut très content.
Il donna son pied à baiser à monsieur d'Epernon et son cul à mr de Maurepas, et reçut les complimens de toutte sa cour qu'il mouille tous les jours à la chasse par la pluye la plus horrible. Il va partir dans le moment pour Rambouillet, et épousera mademoiselle Lezinska à Chantilly. Tout le monde fait ici sa cour à me de Bezeval qui est un peu parente de la reine. Cette dame qui a de l'esprit reçoit avec baucoup de modestie les marques de bassesse qu'on lui donne. Je la vis hier chez monsieur le maréchal de Villars. On lui demanda à quel degré elle étoit parente de la reine. Elle répondit que les reines n'avoient point de parens. Les noces de Louis quinze font tort au pauvre Voltaire, on ne parle de payer aucune pension, ny même de les conserver. Mais en récompense on va créer un nouvel impost pour avoir de quoi acheter des dentelles et des étoffes pour la demoiselle Lezinska. Cecy ressemble au mariage du soleil qui faisoit murmurer les grenouilles. Il n'y a que trois jours que je suis à Versailles et je voudrois déjà en être dehors. La Riviere Bourdet me plaira plus que Trianon et Marly, et je ne veux doresnavant d'autre cour que la vôtre. Mandez moy des nouvelles de votre santé. Digérez vous bien? allez vous souvent aux spectacles, avez vous fait dire à Dufrene et à la Couvreur de jouer Mariamne, l'abbé Desfontaines est il en liberté, Tiriot est il toujours bien sémillant? Mes respects à monsieur de Berniere, et conservez moy toujours votre amitié don[t] je fais plus de cas que de m[a] pension et de ceux qui la don[nent].