ce vendredy [May/June 1746]
Vous avez très bien fait mon cher directeur de venir chez la protectrice des arts.
Elle a été flattée de l'hommage du directeur et en vérité vous lui deviez plus que des hommages. Nous devons être pénétrez de reconnaissance. Ce que je craignois est arrivé, la personne qui ne devoit rien savoir sait tout, mais cet inconvénient ne sert qu'à rendre plus inébranlable, une belle âme née pour faire du bien. Plus notre idée sera sçue, plus il faut la suivre, et je vous réponds qu'elle sera suivie. Elle est dans les meilleures mains du monde, comme dans les plus belles. Ceux de nos confrères qui ne se sont point prêtez à un dessein si honorable et si utile, ne sentiront qu'un noble et heureux repentir quand ils verront qu'une personne qu'on ne prendroit que pour Hébé ou pour Flore devient notre Minerve, et encourage le projet qu'ils n'ont pas secondé. Tout ce que je souhaitte, c'est que cette époque de la gloire de L'académie soit jointe à celle de votre directorat, mais le temps est bien court.
Bon soir, je vous embrasse tendrement. Vous pouriez dire hardiment que je ne viens point lire notre ode parce que je suis plus utilement occupé. L'affaire me paroit sûre. Bon soir encor une fois.
V.