1745-01-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à René Louis de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson.
Monsieur Bon, premier président.
Dans vos vers me paroit plaisant:
Mais les anglois ne le sont guères.
Ils descendent assurément
De ces aragnes carnassières
Dont vous parlez si sagement.
Puissent ces méchants insulaires
Selon leurs coutumes premières
Prendre le soin de s'égorger.
Mais ils entendent leurs affaires
Et c'est nous qu'ils veulent manger.

Vous les en empécherez bien monseigneur. Béni soit Apollon qui vous a inspiré des choses si jolies dont je ne me doutois pas.

Pollio et ipse facit nova carmina; pascite taurum.

Il me semble que vos jolis vers, et encor moins ma chétive prose ne produiront pas la paix cet hiver. Il vous faudra une bonne année pour acorder les araignées mais il y a apparence qu'on ne vous gobera pas comme des mouches.

Je vous remercie bien de votre confidence, c'est un secret d'état que des vers d'un ministre. Le Cardinal de Richelieu en faisoit davantage, mais pas si bien.

Je vous souhaitte la bonne année monseig. et je prends la liberté de vous aimer de tout mon cœur, tout comme si vous n'étiez pas ministre.

V.