1744-12-15, de Louis Mannory à Voltaire [François Marie Arouet].

Vous m'avez permis, monsieur, de vous importuner encore, après votre retour de la campagne.
Je suis honnête en robe, mais je manque totalement d'habit, et je ne puis me présenter devant personne. Cela dérange toutes mes affaires. Avez vous pensé à m. Thieriot? Je vous prie, monsieur, de me le marquer. Je suis depuis six jours avec quatre sous dans ma poche. Vous m'avez promis quelques légers secours; ne me les refusez pas aujourd'hui, monsieur. Dès que je serai habillé, je serai en état de suivre mes affaires, et ma situation changera. On m'annonce beaucoup d'affaires au palais, mais elles ne sont pas encore arrivées. Nous touchons aux vacances; le temps n'est pas favorable. Souffrirez vous, monsieur, que je meure de faim? je n'ai mangé hier et avant hier que du pain. C'était fête; je n'ai pu décemment sortir en robe, et mon habit n'est pas mettable. Je n'ai osé aller chez personne, et je n'avais pas d'argent pour avoir quelque chose chez moi. L'état est affreux. De grâce, monsieur, donnez au porteur de cette lettre ce que vous pouvez pour mon soulagement présent; il est sûr. Mandez moi si m. Thieriot fait quelque chose. Laisserez vous périr de misère un ancien serviteur, un homme qui, j'ose le dire, a quelques talents, et qui est actuellement à la vue du port? Son vaisseau est un peu délabré; mais il ne s'agit que de le secourir pour entrer dans le port.

Je suis avec la plus vive reconnaissance, monsieur, votre, &c.

Mannory