1770-06-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Michel Hennin.

Va te faire foutre, va grater ton cu avec celui du Résident, tu as du pain dans tes poches pour les grimauds, tu viens de la part de ces bougres de Français de Ferney, etc. etc. etc.

Ce sont là, Monsieur, les propres mots de la Philippique prononcée aujourd'hui 16 du mois de la jeunesse, contre Dalloz, commissionnaire de Ferney, porteur, non de pain pour les grimauds, mais d'une petite Truite pour nôtre souper.

Ces galanteries arrivent fort souvent. Nous en régalerons M: Le Duc De Choiseul, à qui nous devons d'ailleurs des remerciements pour avoir fait acheter et paier par le Roi nos montres de grimauds. Je n'ai point vu le cu de Dalloz, je ne crois pas qu'il soit digne de grater le vôtre. Passe encor pour celui à qui vous destiniez vos grâces. Mais franchement les bontés des genevois deviennent trop fortes depuis le souflet donné à tour de bras dans la rue au président Du Tillet. On dit dans l'Europe que nôtre nation porte un peu au vent, et a l'air trop avantageux.

Ces petits avertissements que l'auguste République de Genêve daigne lui donner, la corrigera sans doute, et le Roi lui en aura une très grande obligation.

Nous vous prions, Madame Denis et moi, de vouloir bien présenter nos très humbles remerciements à Mr le sindic de la garde, et à Mr Le commandant de la Sublime porte de Cornevin.

On dit que le pain ramandé dans la superbe ville de Gex, et que le bled n'y vaut plus que 24lt la coupe, c'est à dire 50£ Le septier; c'est marché donné: rien ne fait mieux voir la haute prudence des Welches qui vendirent tout leur bled en 1769, ne se doutant pas qu'ils auraient faim en 1770.

Bon soir, Monsieur, L'oncle et la nièce vous font les plus tendres compliments.