1770-04-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à François de Caire.

Le vieux malade prend la liberté de faire une petite réflexion avec Monsieur De Caire; la voicy.

Les pauvres diables qui ont signé, et qui sont à Genêve, sont encor fort incertains, et très chancelants dans leurs résolutions.

Si on envoie la liste de leurs noms au premier sindic pour l'intimider, ils seront intimidés eux mêmes, et ils diront, nôtre protecteur est nôtre délateur. Mais si aucontraire Monsieur De Caire en qualité de commandant donne un passeport, selon le droit qu'il en a, ou qu'il met simplement, laissez passer un tel sujet du Roi, au bas de la déclaration qui servira de passeport, alors il agit avec toute l'autorité légitime de sa place sans qu'on puisse lui rien reprocher.

Il se poura faire qu'on soit assez fou à Genêve pour mettre en prison l'émigrant muni du passeport, alors, Monsieur le commandant sera en droit d'user de représailles, avec la permission de M: Le Duc De Choiseul qu'il obtiendra probablement; et rien ne sera plus capable d'accélérer tout ce qu'on se propose.

Mille tendres respects.