30e juillet 1770, à Ferney
Monsieur,
Je vous remercie bien sensiblement de toutes vos attentions obligeantes.
Il y a plus de trois mois que j'ai commandé quarante chars de chaux à Gex la ville, et sans ce secours il serait impossible que les émigrants fussent logés.
Brillon ne travaille que pour moi. Nous bâtissons encor des maisons pour une nouvelle compagnie d'émigrans. Tous ces nouveaux établissements échoueraient si nous n'avions pas les secours nécessaires.
J'ai l'honneur d'écrire à Mr De Caire ainsi que vous le jugez à propos.
Le sr Resguerre, Monsieur, ne travaille dans la maison de Raffo, et ne fait de petites fenêtres nécessaires à ses ouvriers qu'après la déclaration que Raffo a faitte de vendre sa maison. Resguerre en a proposé l'achat, et il est prêt de paier le prix qui sera convenu. J'ai prié Monsr Emery de vouloir bien fixer le prix de cette maison que Raffo acheta Cent douze Louis, en lui tenant compte des dépenses qu'il y a faittes. Il sera paié comptant.
Nôtre boucher a toujours fourni de très bon boeuf, et sa viande a toujours été débitée en moins de deux heures, mais il n'a point d'ordre. Il ne peut tenir de compte, ne sachant point écrire. Sa fortune d'ailleurs ne lui permet pas de faire les établissements nécessaires. Peut être sera t-on obligé d'en faire venir un autre.
Nous sommes aussi très pressés d'achever la maison dans laquelle doivent loger les marchands qui fourniront tout le païs des choses qu'on achête trop chèrement à Genêve.
Si on ne met aucun empêchement à nos bâtimens, on poura se passer absolument de Genêve dans deux mois, et c'est ce dont je me suis fait fort auprès de M: Le Duc De Choiseul.
Voilà, Monsieur, un compte éxact de la Colonie de Ferney, en attendant que Gex et Versoy prennent sous vôtre administration les accroissements qui feront fleurir cette petite province.
J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux,
Monsieur
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire