1744-07-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Antoine Clément.

J'ai reçu, monsieur, à la campagne où je suis depuis quelques mois, le joli conte, ou plutôt le conte joliment écrit, dont vous avez bien voulu me faire part. J'aurais répondu plus tôt à cette marque aimable de votre souvenir, si ma très mauvaise santé et mes travaux de commande qui l'affaiblissent encore, m'en avaient laissé le loisir.

Vous avez échauffé la glace
Qui me gelait dans les écrits
De ce trop renommé Bocace;
Et vous mettez toute la grâce
De votre brillant coloris
Sur son vieux tableau qui s'efface.
Sans vous je n'aurais point aimé
Ensalde et sa sorcellerie;
L'enchanteresse poésie
Dont votre conte est animé
Est la véritable magie,
Et la seule qui m'ait charmé.

Conservez moi, monsieur, une amitié qui m'est d'autant plus précieuse que je la dois au commerce des muses.

Je suis, etc.