Ie vous enuoie monsieur vn receüil de pièces qu'on vient de réimprimer, et qui, toutes indignes qu'elles sont de vous être présentées v͞s seront vne preuue du cas que ie fais de votre estime et du désir que i'ay que v͞s en soyés persuadé.
Si les pièces de ce receüil peuuent v͞s fournir quelques réflexions pour ajouter à ce que m^r de Voltaire a bien voulu vous enuoier pour acompagner mon portrait, i'en serai bien flattée. Si vous voulés y ajouter que ie n'ay que deux enfans, que i'ay marié ma fille l'anée pasée à m^r le duc de Montenero de la maison Caraffa, que i'ai composé les institutions phisiques p͞r l'éducation de mon fils qui a 15 ans et qui est mousquetaire, cela alongera vn peu la couroie. A l'égard de mes voyages ie n'en ai point fait dont ie puisse me vanter puis que ie n'ai point été à Basle, mais pour mes corespondances elles sont beaucoup plus illustres que je ne mérite et p͞r le prouuer il sufit de v͞s nomer, et ie v͞s suplie d'être à la tête. M^rs Volf, Euller, Maupertuis, Cleraut, Jurin, Jaquier, Musem-brock &c. m'escriuent quelquefois aussi, mais en vérité ie suis honteuse, et bien reconoisante de toutes les peines que ie v͞s donne.

Ie v͞s prie de faire mille complimens p͞r moi à m. votre père et à m^r votre frère. Si le receüil que ie v͞s enuoie contenoit quelque chose de nouueau ie n'aurois pas manqué de le leur enuoyer. Ie v͞s désire tout le bonheur imaginable dans votre nouuel Etablissem͞t et ie v͞s prie d'être persuadé que ie m'intéresserai toute ma vie infinim͞t à ce qui v͞s touche étant très parfaitem͞t Monsieur Votre très humble et très obéissante seruante

Breteüil du Chastellet

à Cirey ce 30 mai 1744