1744-01-07, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à Johann Bernoulli.

I'ay apris Monsieur par mr de Maupertuis que v͞s étiés marié, quoique ie sois vn peu fâchée d'auoir apris cet Evénem͞t par vn autre que par vous.
Ie n'i prens pas moins de part et ie v͞s prie d'être persuadé que i'en prendrai toujours infinim͞t à tout ce qui v͞s ariue. Ie crois que mr de Voltaire v͞s enuoie ce qu'il a eü la bonté de faire p͞r acompagner mon portrait. Ie suis bien honteuse de tout le bien qu'il y dit de moi, et ie le suis surtout de le mériter si peu. Oserais je v͞s prier d'y faire ajourter que i'enuoiai en 1738 à l'académie vne dissertation sur la nature et la propagation du feu, que l'académie eut la bonté de faire imprimer auec les pièces qui auoient remporté le prix, et qu'en 1741 j'eus vne disputte publique auec mr de Mairan au sujet des forces viues que ie soutenois contre ce philosophes, et que les pièces de cette disputte qui consistent en la lettre de mr de Mairan et ma réponse furent imprimées, la lettre de m. de Mairan à Paris, et ma réponse à Bruxelles où i'étois alors. Ie n'ai pas osé demander à m. de Voltaire d'entrer dans ces détails, mais il me semble qu'ils sont nécessaires, et que c'est cela surtout que le public est curieux de sauoir. Ie ne puis v͞s dire monsieur combien ie suis sensible aux attentions que v͞s m'aués témoigné dans cette ocasion, et combien ie désire de v͞s conuaincre que persone ne peut être plus que moi monsieur Votre très humble et très obéisante seruante

Breteüil du Chastellet

Ie v͞s prie de faire bien mes complimens à mr votre père, et de lui dire combien ie suis flatée d'être dans sa dixaine. Ne m'oubliés pas non plus auprès de mr votre frère Daniel.