1737-05-12, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à Jean François Du Bellay Du Resnel.

Rien ne m'a jamais plus flatté Monsieur, que votre lettre.
Ie la méritois peutêtre par mon estime pour vous, et par le cas que ie fais de l'ouurage que vous voulez bien m'enuoyer. Le peu que ie sais d'anglais m'a mis à portée de connoitre la difficulté de votre trauail, et c'est la seule chose qui puisse donner quelque prix à mon sufrage. J'auouë que ie croiois les idées métaphisiques aussi peu faites pour notre poësie, que pour notre nation, mais vous m'auez détrompée, vous auez rendu propre aux Français vn ouurage dont les beautés étoient perduës pour eux, et vous leur aués apris à faire des poëtes anglais le cas qu'ils méritent, ainsi les deux nations vous ont vne obligation Egale. Pour moi Monsieur ie vous en ay vne bien plus grande de m'auoir donné vne occasion de vous dire combien ie désire votre estime. Ie comte parmi les obligations que i'ay à L'amitié de mr de Voltaire, celle de m'auoir procuré les marques que vous voulés bien m'en donner. Ie suis persuadée qu'il lira l'essay sur l'homme auec grand plaisir, il m'a toujours parlé de vous auec vne estime infinie, ie sais qu'il comte sur votre amitié, et qu'il la mérite. Soyés bien persuadé, Monsieur, que personne ne fait plus de cas que moi de vos talens, et ne désire plus de vous conuaincre combien i'ay l'honneur d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissante seruante

Breteüil du Chastellet