1739-03-30, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à Johann Bernoulli.

Voilà vne lettre p͞r v͞s, Monsieur, ie saisis auec empressement cette occasion de v͞s dire combien on v͞s regrette à Cirey.
Ie me trouuerois bien heureuse si le petit séjour que v͞s y aués fait v͞s auoit inspiré vn peu d'amitié p͞r moi. Ie le désire infiniment. V͞s estes bien sûr de l'estime de tous les gens qui v͞s connoissent, mais soyés persuadé qu'il n'y a aucun endroit du monde où l'on fasse plus de cas de votre comerce et de votre amitié qu'à Cirey. Ie v͞s prie Monsieur de faire vn peu ma cour à mr votre père. Ie voudrois obtenir vne grâce de lui, ce seroit la comunication du Comercium Epistolicum qu'il auoit pretté à mr Koenig. Il pouroît être sûr de la plus grande fidélité, et de la plus grande Exactitude. Mr Koenig est parti ce matin p͞r Strasbourg. Il m'a bien promis d'être icy auant le 15. Ie suis charmée de l'auoir, et c'est vne obligation que i'ay à mr de Maupertuis et à vous monsieur que ie n'oublieray pas sitôt. On me chicane à Paris p͞r le nouuel errata qui cependant est très nécessaire. Dès que l'ouurage paroitra, ie prendrai la liberté de v͞s en faire adresser quatre Exemplaire car ie comte p͞r rien l'épreuue informe que v͞s aués porté à mr votre père et ie v͞s prierai d'en donner vn de ma part à mr votre frère et au recteur magnifique malgré son mépris.

I'espère bien que v͞s me dirés votre auis du petit essay d'optique que v͞s aués bien voulu emporter, car come ie ne l'ay encore montré à personne ie ne sais s'il est bon ou mauvais, et v͞s estes mon criterium de vérité. Ie compte autant sur votre indulgence que sur vos lumières, et i'ay également besoin de l'une et de l'autre. Mr de Voltaire me prie de v͞s faire les complimens les plus tendres de sa part, et moi ie suis plus que personne du monde Monsieur Votre très humble et très obéissante servante

Breteüil du Chastellet