à Cirey par Bar sur Aube ce 24 avril 1744
Colletet envoye encor ce brimborion au cardinal duc.
Cette rapsodie le trouvera probablement dans un camp entouré d'officiers, et vis à vis de vilains allemans qui se soucient fort peu des amours du duc de Foix et de la princesse de Navarre. Mais votre esprit agile qui se plie à tout trouvera du temps pour songer à votre fête. Vous serez comme Paul Emile qui après avoir vaincu Persée donna une fête charmante et dit à ceux qui s'étonnoient de la fête et du souper, Messieurs c'est le même esprit qui a conduit la guerre et qui a ordonné la fête.
Pour moy monseigneur le duc je crois avec la dame de Cirey que vous ne haïrez pas ce duc de Foix qui fait la guerre, qui est amoureux, qui est fouré tout jeune dans les affaires, qui combat pour sa maîtresse, qui la gagne à la pointe de l'épée, qui a de l'esprit, et qui berne les Morillo. Si vous êtes content, voulez vous envoyer ce premier acte à Ramau? Il sera bon qu'il le lise afin que sa musique soit convenable aux paroles et aux situations, et surtout qu'il évite les longueurs dans la musique de ce premier acte; parce que ces longueurs jointes aux miennes feraient ce premier acte éternel. J'attends vos ordres sur le divertissement du second acte que je vous ay envoyé il y a huit jours. Madame du Chastelet vous fait les plus tendres compliments. C'est à vous et à messieurs les généraux à me fournir à présent le prologue. Adieu monseigneur, revenez brillant de gloire et de santé. J'attendray avec bien de l'impatience le plaisir de vous dire ce que je vous dis depuis près de trente ans, que je vous suis dévoué avec le plus tendre respect. J'y ajoute la plus vive reconnaissance.
V.