1744-04-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Jacques Amelot de Chaillou.

Monseigneur,

Permettez qu'après vous avoir excédé en vers et en chifre, je vous ennuye un peu en prose.
Vous n'aurez pas le temps de lire cette seconde édition du catéchisme de Neuton, mais honorez la du moins d'une place dans votre bibliotèque.

Si vous daignez vous souvenir de moy plus que de mes livres j'ose espérer que vous voudrez bien parler au roy des extrêmement petits services que j'ay rendus de si bon cœur, et du juste refus que je fais d'une maison meublée et de douze mille francs de pension que le roy de Prusse m'offre; j'aime mieux vivre sous la protection de mon souverain, que d'aller chercher les faveurs des autres rois, et je me flatte que cette façon de penser ne vous déplaira pas.

Si vous êtes curieux d'une des dernières lettres du roy de Prusse vous trouverez sousligné L'article où il me reproche de ne pas venir occuper ma maison de Berlin. Donnez moy monseigneur je vous en prie la plus belle recompense de mes rigueurs avec ce monarque, en disposant favorablement l'esprit de mon roy pour un homme dont le cœur vray, tendre et désintéressé vous sera attaché pour jamais.

Je suis avec bien du respect,

monseigneur,

Votre très humble et très obéisst serviteur

Voltaire

Je vous suplie de me renvoyer à Cirey la lettre du Roy de Prusse.