8 octobre [1743] à Berlin
Dans le dernier entretien particulier que j'eus avec s. m. p. je luy parlay d'un imprimé qui courut il y a six semaines en Hollande, dans lequel on proposoit des moyens de pacifier l'empire en sécularisant des principautez ecclésiastiques en faveur de l'empereur et de la reine de Hongrie, suivant l'exemple qu’ on en donna le siècle passé à la paix de Vestphalie.
Je luy dis que je voudrois de tout mon cœur voir le succez d'un tel projet, que c'étoit rendre à Cesar ce qui apartient à Cesar, que l'église ne devoit que prier dieu pour les princes, que les bénédictins n'avoient pas été instituez pour être souverains, et que cette opinion, dans la quelle j'ay toujours été, m'avoit fait baucoup d'ennemis dans le clergé. Il m'avoura que c'étoit luy qui avoit fait imprimer ce projet. Il me fit entendre qu'il ne seroit pas fâché d'être compris dans ces restitutions que les prêtres doivent, dit il, en conscience aux rois, et qu'il embeliroit volontiers Berlin du bien de l'église. Il est certain qu'il veut parvenir à ce but, et ne procurer la paix que quand il y verra de tels avantages.
C'est à votre prudence à profiter de ce dessein secret, qu'il n'a confié qu'à moy. Peutêtre si l'empereur lui faisoit dans un temps convenable des ouvertures conformes à cette idée, et pressoit une association de princes de l'empire, le roy de Prusse se détermineroit à se déclarer. Mais je ne crois pas qu'il voulût que la France se mêlât de cette sécularisation ny qu'il fasse aucune démarche éclatante à moins qu'il n'y voye très peu de péril et baucoup d'utilité.
Il me dit que dans quelque temps on verroit éclore des événements agréables à la France. J'ay peur que ce ne soit une énigme qui n'a point de mot.
Il veut toujours me retenir. Il m'a fait encore parler aujourduy par la reine mère, mais je crois que je dois plutôt venir vous rendre compte que de jouir icy de sa faveur.