1743-09-03, de Guy Louis Henri de Valory, marquis de Valory à Jean Jacques Amelot de Chaillou.
à Berlin le 3 7bre 1743
Monseigneur,
J'ay reçu, Monseigneur, la Lettre dont vous m'avez honnoré du 23 Aoust; avant de répondre à ce qu'elle contient, je commenceray par vous dire que mr de Voltaire arriva icy avec mr le Cte de Podewils la nuit du 30 au 31. Le Roy de Prusse vint de Potzdam à Charlotembourg le pr de ce mois, et, sur le champ, il manda mon dit sr de Voltaire et mr De Podewils; le pr est demeuré à Charlotembourg, d'où le Roy de Prusse revint hier pour donner audiance au Baron de Spohn, nouveau ministre de l'Empereur, le quel me rendit visite le Landemain de son arrivée, et m'aporta une Lettre de mr le Cte De Lautrec, en m'asseurant, que ses instructions les plus particulières estoient de se concerter avec moy en tout ce qui pourroit être relatif au service de son Maitre.
Je me trouvay hier à un exercice que le Roy de Prusse fit faire par un Bataillon de grenadiers, son Régiment des gendarmes, et un Régiment d'Husars; tous les Ministres Etrangers y estoient, et je fus le seul à qui il ordonna d'aller diner avec luy à Charlotembourg. Il fût question à table du Hussard Mentzel. Ce Prince parla des siens, et me dit tout haut, que je ne devois pas hair ceux là; qu'ils n'avoient jamais servi contre le Roy, et qu'il pouvoit m'asseurer que cela ne seroit jamais; Je vous le promes, me dit il, sur mon honneur. Mr de Voltaire étoit à côté de moy à table. Il a été reçu de sa majesté Prussienne on ne peut pas mieux, et paroit s'amuser beaucoup. Le Public d'icy sur la foi des gazettes est persuadé qu'il est chargé de quelques commissions particulières. Je luy ay Demandé bien naturellement, m'offrant de le seconder si cela se pou-
ay fini par luy dire que si le Roy de Prusse luy parloit avec quelque
plus conforme à ses véritables Intérêts et à sa gloire, que de se procurer une Influence principale dans le grand ouvrage de la Paix, qu'il le pouvoit avec une
marcher 30/m. Hommes dans le pays de Cleves en faisant signifier au Roy d'Angleterre et à la Reine d'Hongrie que c'estoit en exécution des engagements qu'il avoit pris avec le Roy; Mais que préalablement il s'offroit à se joindre aux Puissances bien Intentionnées pour la Paix. Je ne sçais, Monseigneur, si un serviteur du Roy de Prusse pourroit luy donner un meilleur con-
908 74 0773
seil; mais à vous parler franchement je doute qu'il le suive. Je sais que le Ma͞al
326 709 0841 317 764 0803 673 031 0923 943 0791 0831. Je ne doute pas qu'on
n'ait raporté à mondt sr De Voltaire cette annecdote, mais je n'oserois en garantir la vérité, parceque je soupçonne la source dont il la tient n'être pas toujours également seure; Quoy qu'il en soit je crois qu'on ne peut compter
310 342
sur ce Ministre qu'autant qu'il ne sera pas question d'exiger du Roy son
Il y a bien de l'aparence, Monseigneur, que les asseurances que vous avez fait donner par mr Chambrier au Roy de Prusse de la fausseté insigne des propositions faites de la part du Roy à l'Electeur De Mayence pour le rétablissement de la Paix entre l'Empereur et la Reine d'Hongrie, ont trouvé créance auprés du Roy De Prusse, puisque ny Luy ny son ministre ne m'en ont rien témoigné qu'au contraire ce Prince semble ne Laisser échaper aucune occasion
778 188
de marquer son désir de voir prospérer les armes du Roy
le Discours qu'il a tenu en pleine table hier, dont j'ay L'honneur De vous rendre compte cy dessus, me paroît être une preuve de ce que j'ay L'honneur De vous avancer. A l'égard des conférences fréquentes que son ministre a eû avec L'empereur, je crois qu'on n'en peut prendre aucun ombrage, d'autant plus, que Mr le Cte De Lautrec m'a mandé que sa Majté Imple luy avoit dit être contente du Roy de Prusse dont le ministre a été aussy à Mayence. La longue audiance qu'il a eû de L'Electeur a beaucoup intrigué le Roy d'Angre selon ce
156 186 642 880 73 0802 850
que memande m. Blondel qui me dit ignorer comme les autres
l'objet de la commission De Mr De Klingraff. J'ay tâché de m'en éclaircir,
avec m. Podewelz qui m'a fort assuré n'estre à autre fin que
210 694 459 4973 82 0182 043 753 74 792 481 44 de complimenter L'Electeur de
Mayence sur son avencement, et Luy recommander particulièrement les Intérêts de L'Empereur, et de L'Empire que le pr Electeur devoit plus que tout autre regarder comme inséparables, et que le Roy De Prusse s'offroit de nouveau à contribuer autant qu'il le pouvoit aux moyens de pacifier L'Allemagne. C'est sur ces différentes et fréquentes audiences de mon dt sr De Klingraff qu'on pourroit croyre, que le Roy De Prusse eût fait quelqu'attention aux mensonges et intrigues des Ministres autrichiens; mais je ne puis qu'être rasseuré sur cela par toutes les raisons que j'ay L'honneur De vous mander; Cela ne m'empêchera pas de m'en ouvrir avec Mr De Borck qui demeure icy chargé de tout pendant L'absence de mr De Podewils. Je crois Monseigneur, que vous jugerez à propos que je traite cette matière légèrement et comme étant très
843 414 812 à une imputation de cette nature, quid'ail leurs est si contraire à
toutes les insinuations que j'ay fait icy, où j'ay tâché de persuader, que le principal motif de la guerre que vouloit nous faire la Reine d'Hongrie conjoinctement avec ses alliés estoit de forcer l'Empr et la plus part des Electeurs à consen-
Le Jeune Duc de Würtemberg, selon le conseil de Md la Duchesse sa mère a parlé au Roy de Prusse de son Départ et luy a tenu le discours qui luy avoit êté marqué; Ce Prince luy a répondu assé vaguement et peu intelligiblement; mais mr de Podewils L'est venu trouver le Landemain et Luy a fait entrevoir que le Roy son maitre ne vouloit pas le retenir malgré luy, mais qu'il ne luy parois-soit pas, que les circonstances fussent favorables à son retour dans ses Etats; que si d'ailleurs il avoit quelque sujet de se plaindre, qu'on chercheroit à rectifier avec attention, tout ce qui avoit pu ne luy pas plaire.
Je ne dois pas oublier de vous dire que le Roy de Prusse s'est égayé à table sur L'académie et prend chaudement fait et cause pour mr De Voltaire, jus-qu'à Dire Devant luy, qu'un génie de cette espèce honnoroit plus L'académie, qu'il n'étoit honnoré D'être un de ses membres. Ce Prince en prit quelqu'uns en Particulier et plaisanta beaucoup sur leur sçavoir et Leur Talent. Le Poète fût plus modeste que je ne m'y attendois; mais j'ay apris que la veille au souper, il s'estoit prêté de meilleur grâce à la plaisanterie. Je l'ay fort pressé De prendre un Logement chez moy, il a remis à L'accepter à la décision du Roy De Prusse à qui il donnera la préférence comme de raison.
Le Marquis D'Esguilles est partit d'icy il y a plusieurs jours, il est allé droit à Hambourg, il avoit fait précédament un voyage à Dresde, où j'ay sçu qu'il avoit été reçu du Roy De Pologne avec des singulières marques de bonté; Il s'est même attiré la confiance du Père Guariny. C'est un sujet qui me paroit avoir bien des Talents; selon son projet de voyage, il ne pourra être qu'à la fin De L'automne à Paris; Il observe en voyageant.
Le Jour Du Départ De sa Majté Psne est ignoré, mais il passe toujours pour constant, et on ne varie point sur Anspach et Bareuth.
Mr L'abbé Kressenky a passé icy hier, s'en allant en Pologne, et muni d'un Passeport du Roy Stanislas. Il avoit des Lettres pour mr le Cte Desalleurs, parceque le premier projet De son voyage êtoit de passer par Dresde, mais il m'a dit que le Roy de Pologne avoit changé d'avis et avoit dirigé sa Route par icy; il a exigé de moy un Passeport que je n'ay pas cru devoir luy refuser.