A Versailles le 11 Aoust 1743
J'ay reçeu Monsieur, votre lettre du 6e.
Si la personne en question se propose de venir icy Ambassadeur, Elle cache bien son jeu, et Elle ne prend pas assurément les moyens propres à se faire désirer; Comme une passion ne se guérit guères que par une autre, je ne vois que l'avarice qui puisse dompter sa frénésie, et peut être se laisseroit Elle gagner par argent.
On ne peut que savoir gré au Roy de Prusse de l'ouverture qu'il a fait faire, quoiqu'elle n'ait pas réussi; C'est une preuve de sa bonne intention, et si on étoit bien persuadé qu'il voulût affirmativement ce qu'il a proposé, je crois qu'on y regarderoit à deux fois à l'éconduire, mais on le croit facile à intimider. Les Déclarations menaçantes qu'il avoit faites pour empêcher la marche des Anglois n'ayant abouti à rien, on s'embarasse fort peu de ses instances, et la Cour de Londres compte l'amener à ses fins en meslant ses offres les plus séduisantes avec les menaces les plus capables de l'effrayer; Elle ne manquera pas de mettre en jeu la Russie, comme si les anglois en disposaient à leur gré! C'est là le côté chatouilleux et sensible du Roy de Prusse, mais tout cela n'est qu'illusion, la Russie n'aura certainement aucune envie de prendre part aux affaires d'Allemagne tant que le gouvernement y subsistera sur le pied où il est. La Czarine n'auroit rien à y gagner et aucun Traité ne L'oblige à s'engager dans une guerre qui devient aujourd'huy purement offensive contre la France. D'ailleurs il ne faut pas croire que les anglois ayent à Petersbourg le crédit qu'ils y avoient; la Czarine n'est point leur dupe, et quoiqu'il veuillent se faire honneur aujourd'huy de l'élection de l'Eve de Lubeck, Elle sait qu'il n'y a rien qu'ils n'ayent tenté pour la traverser et pour empêcher la paix. Et je ne la crois pas aujourd'huy fort Empressée de conclure le mariage de ce prince avec une princesse d'Angleterre. Le Roy de Prusse une fois asseuré du côté de la Russie, qu'a t'il donc à redouter? La jalousie de tous les Pces de l'Empire sans exception et la vangeance de la Cour de Vienne qui ne perdra jamais de vue le recouvrement de la Silésie. Je sçais même de très bonne part il n'y a encore que peu de jours que la Reine de Hongrie a fait [?remettre] au [. . . . . .] le Roy de [. . . . . .] ennemie. La France bien unie avec luy est seule capable de le garantir à perpétuité de ce danger; Je sais qu'il a mauvaise opinion de ses forces; mais en se prestant un moment à cette erreur, il ne peut pas du moins la croire réduite au point de n'être pas même en état de se relever si on la secouroit, et si d'un autre côté il veut examiner et réfléchir quelles sont les forces actuelles et les ressources de ce Royaume dans le tems qu'on le croit le plus abatu, il verra que bien loin de courir aucun risque il joue à coup seur en se concertant avec la France pour se soutenir mutuellement. Il ne tient qu'à ce Prince dans l'état où sont les choses de ravir à l'Angre l'honneur de la pacification. Ne doutés pas qu'on n'ait reconnu icy les fautes que le Roy de Prusse nous reproche, et il verra au printems prochain quels efforts le Roy est en état de faire; Cependant si toute l'Europe liguée se tournoit contre la France, il y auroit trop de présomption à croire qu'elle puisse toujours résister seule contre tous; Mais si nous étions accablés, que deviendra le Roy de Prusse entouré de Voisins jaloux de sa grandeur et d'ennemis qui ne luy pardonneront jamais? Il doit enfin se souvenir que sans la France il n'aurait pas la Silésie, et j'ajoute que sans ses forces il ne la conservera pas. Je laisse à votre prudence à faire dans les moments favorables l'usage convenable de toutes ces réflexions. Et s'il [. . . . . .] susceptible d'un sentiment de reconnoissance pour les services que la France luy a rendus, Taschés du moins de [. . .] que la crainte qu'il doit avoir de voir Elire le grand Duc Roy [. . . . . .] et d'exciter son amour propre à ne pas laisser L'Empereur [. . . . . .] son ouvrage à la mercy de ses ennemis. Vous connoissés mr Les sentiments avec les quels je suis entièrement à vous.
J'aurois souhaité que vous eussiez mis en chifre ce que vous m'avez marqué du petit présent fait à m. de Podevels.