A Choisy le 30Aoust 1743
Les soins que je me suis donné Madame, pour faire jouer La Mort de Cæsar sont enfin bien justifiés par Le succès brillant que vient d'avoir cette Tragédie.
Mais en voulant rendre service à M. de Voltaire, je ne m'en tiens pas uniquement à m'intéresser à ses ouvrages; Je vous avouë que j'ay été surpris d'aprendre son départ pour Berlin dans le tems que je comptois qu'il ne devoit partir que pour revenir icy; Il a dû reconnoître pendant son séjour à Lahaye combien Les sujets de mécontentement qu'Il croyoit avoir étoient mal fondés; Je vous ay dit depuis son départ, et je vous répète aujourd'huy avec plaisir et sûreté qu'il peut compter sur les bontés du Roy et que je crois qu'Il ne peut trop se presser d'en venir profiter; si son attachement pour Le Roy de Prusse rend son voyage à Berlin excusable, Il ne pourroit L'être de le prolonger; Je vous conseille donc, Madame, de vous servir de tout le crédit que vous avés sur son esprit, pour luy faire sentir, qu'il est indispensable qu'Il revienne au plûtôt; je suis sûr que le Roy trouveroit mauvais qu'il différât son retour; Vous sçavés qu'il est parti sans permission, ce qu'aucun sujet du Roy ne doit faire, surtout Lors qu'il a des Pensions de sa Majesté; Il luy sera aisé dans la suite d'aller faire sa Cour au Roy de Prusse avec La permission du Roy, mais sa Majté Pruse ne peut trouver mauvais, qu'il cède pour Le présent aux raisons qui doivent L'engager à revenir dans sa patrie; J'ay trop bonne opinion de Luy pour douter qu'il ne s'y rende, et je compte que nous le reverrons incessament; Je vous en fais mon compliment d'avance et je vous suplie d'être toujours parfaitement convaincüe du respect sincère avec Lequel j'ay L'honneur d'être, Madame, Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Maurepas