à Paris ce jeudi au soir [25 avril 1737]
J'ay été aujourd'huy mon cher ami chés Les Libraires pour votre Virgile et votre Ovide de variorum.
J'en ay trouvé d'abord en in 4. de magnifique impression, mais ils sont trop chers. J'ay été ailleurs et j'en ay Retenu 2 exemplaires en 3 volumes in 8. chacun en Lettres Rondes. On ne Les veut pas donner à moins de 20lt chaque exemplaire. Marqués moy s'ils vous Conviennent à ce prix. Vous Recevrés bientôt un exemplaire de La part de L. Duresnel de sa nouvelle traduction en vers de l'essay de Pope. Elle Luy fait assés d'honneur. Il y a en effet des endroits bien tournés mais pour moy je trouve en général Le stile foible et prosaique de temps en temps, trop de mots Dogmatiques. On croit que cela est inévitable dans un poème didactique et on se trompe. Il faut Rendre ces idées avec des tours et des mots poétiques. Je viens de Lire dans Le moment un tome de La bibliothèque françoise où est imprimées une Lettre de Voltaire aux journalistes dattée de Cirei du mois de septembre dernier Contre Rousseau. Heureusement que ce journal ne se répand pas Beaucoup dans Le monde car elle Luy ferait Un grand déshoneur, j'entends à Voltaire. Elle est en général écrite avec sa facilité et sa Légèreté ordinaire mais d'ailleurs elle est pleine de fureur, de Reproches Bas, même de plaisanteries plates. Il joint à cela des choses Ridicules. Il y parle de mde Duchatelet à qui il donne deux ou trois fois La même épithète de Respectable. Il cite son valet de chambre à Luy qui est dit il parent de Rousseau. Enfin c'est à mon gré un petit chef d’œuvre d'emportement Bas, de Ridicule et d'impertinence. Tout ceci comme vous Croyés Bien entre nous. Il est àprésent à Cirei d'où je n'ay point eu de nouvelles depuis Long temps. Je ne sache Rien de nouveau qui vaille qu'on en parle. Je vais bientôt m'arranger pour mon départ. Je seray charmé de vous Revoir et de vous embrasser du meilleur de mon Cœur. Si vous avés quelques autres commissions à me donner soit pour vous soit pour vos amis faites Le incessament. Je n'ay pas oublié vos savonettes. Adieu.