à Paris ce samedi au soir [5 févr. 1735]

Je vous ay écrit mon cher amy Le succès du préjugé à La mode.
Aujourd'huy seconde Représentation. Mes dames y ont été, je n'y étois pas. L'assemblée étoit prodigieuse et Le succès a été en augmentant. Cela ira diablement Loin. Si Marius réussit par dessus le marché, je meurs de peur qu'Almeide ne soit Remise à cet été, mais il faut toujours s'inscrire. J'en parlay à Dufrene il y a quelque temps. Ils n'avoint point d'autres pièces présentées.

Vous êtes un homme merveilleux pour Le Concert. Votre arrangement est très Bon et il ne peut être que très Bon dès qu'on gardera m^r de Mandonville que nous ne pourrions jamais Remplacer. Nous ne trouverons jamais de secours des gens de Rouen qu'en intéressant Leur sottise.

J'ay Reçu des Lettres de Voltaire. Il me mande qu'il vous en doit une. Son affaire ne finit point quoy qu'on parle toujours de sa fin. J'ay soupè avec m^de Duchatelet et ay passé depuis une soirée avec elle. Vous croyés Bien que nous avons parlé de Vous. Je Luy ay dit que votre Conoissance avec elle commençoit comme une avanture de Roman et que je vous en souhaittois la queue mais c'est à elle que je La souhaitte. Je soupe Lundi avec elle. Voltaire me mande qu'il voudroit Bien souper avec nous, et nous aussi. Il a Renoncé à toute impression, il ne travaillera plus que pour ses amis. Je tâcheray de Rassembler Le plus que je pourray de ses pièces fugitives mais il me faudra trouver un Copiste.

Il n'y a ici aucune espèce de nouvelles. On parle d'une pièce de Boissi intitulée je croy Le prince de Neuilli, pour Les Italiens, qui en ont grand Besoin. L'opéra de Danchet sera pour Le premier jeudi de Carême. Pas un Livre nouveau, pas la moindre petite pièce. C'est une stérilité afreuse. Il y a eu Beaucoup de chansons d'abord sur mademoiselle. Elles sont méchantes, et mauvaises. Depuis il en court sur tout Le monde. Je ne les ay point vuës et je croy qu'elles ne valent Rien. Voici celle sur m^r de Noailles.

Adieu, il est plus de deux heures. Bonsoir.