à Paris ce mardi au soir [25 janv. 1735]
Almeide est donc expédiée mon cher ami.
J'espère qu'avec vos Bons avis elle sera bientôt en état de se montrer décemment en ce pais ci. Mon tamis n'a Rien à faire après Le vôtre, c'est celuy du public qui est toujours à craindre, puis qu'il étoit Bien pour Corneille.
Votre amitié vous trompe sur mon compte et sur celuy de ma Didon. Cela est suffisant pour moy qui ne veux que m'amuser, mais il s'en faut Bien que L'ouvrage soit tel qu'il Le faut pour un ouvrage en forme. Il faudroit Le travailler très Longtemps car il n'y a qu'avec Le temps qu'on peut faire quelque chose digne d’être montré. Si je l'achève mr Linant ne devra Le Regarder que comme un canevas qu'il faudra Refondre, ce qu'il fera fort Bien surtout Lors qu'il aura aquis La facilité des vers. Je vous dis cela Comme je le pense, et si je travaillois pour Le public je mettrois six mois où je ne mets que quinse jours de travail.
On m'assura hier que L'affaire de V. alloit finir et qu'il alloit Revenir. Je Le désire fort mais je craindray toujours jusqu’à ce que je le Revoye. J'ay peur surtout de ses folies. Il se Retractera, il en sera honteux et fâché et sa mauvaise humeur Luy fera faire quelque sortie violente Contre les préjugés en faveur de qui il aura fait La Retractation, et si cela arivoit il ne trouveroit pas un protecteur et seroit perdu à jamais.
On m'a dit que Dubourteroude venoit icy. J'en serois charmé et encor plus si vous étiés de La partie.
Il n'y a point d'autres nouvelles que La déclaration des généraux mr de Noailles en Italie et mr de Coigni en Allemagne. Mr Dasfeld a demandé La permission de se Retirer et on ne La luy a pas Refusée.
On ne peut pas prendre son inscription sans avoir Lu La pièce. Je vois toujours Sabinus afiché, je croy qu'on Le joue non pas sur La parole de gens qui L'ayent vu car je n'en Rencontre point. Ce n'est point une Résurection, c'est une agonie un peu Longue. Adieu, je vous embrasse.