1753-01-04, de Charles Nicolas de La Touche à François Dominique Barberie, marquis de Saint-Contest.

Monseigneur,

…L'affaire de Mr de Voltaire se civilise et je crois que son accomodement avec le Roy de Prusse n'est pas éloigné, puisque ce prince a renvoyé à Mr de Voltaire par Mr de Fredersdorff son homme de confiance la Clef de Chambellan et l'ordre du mérite que l'auteur du libelle brûlé lui avoit fait remettre avec une lettre pleine de sousmission.

Dans l'incertitude, Monseigneur, si les exemplaires de cette brochure sont arrivés à Paris, je vous en envoye un, qui vous fera juger de la droiture du cœur de Mr de Voltaire pour Mr de Maupertuis….

Le 6 au soir

Mr de Voltaire, non seulement avoit renvoyé le 1er de ce mois au Roy de Prusse sa Clef et le cordon de l'ordre, mais encore son brevet de pension de 20/mlt avec sa renonciation à tout ce qui lui en étoit deu d'arrérages, que sa Mjté prussne lui a renvoyé. Mr de Voltaire n'envisage point ce renvoye, comme une faveur et comme une marque de la bienveillance de ce prince; il craint aucontraire que ce ne soit pour sévir plus fortement contre lui à l'occasion de quelques nouvelles brochures en suplément de son Docteur Akakia, qui doivent arriver icy de Hollande. Cet auteur pense que les mêmes raisons, qui l'ont engagé à renvoyer au Roy de Prusse toutes les marques, qui caractérisent sa commensalité près de ce prince, ont aussi porté sa Mjté prussne à ne les pas recevoir, pour conserver le droit de souveraineté sur Mr de Voltaire, qui me prépare à le voir chés moy, pour réclamer la protection du Ministre de France dans les angoisses, qu'il prévoit lui être réservées. Je vous avoue, Monseigneur, que cette avanture, toute petite qu'elle me paroit, ne laisse point que de m'intriguer; et je désire fort qu'elle traine assés, pour pouvoir recevoir vos ordres à ce sujet.