Paris 24 aoust 1773

Il y a deux ans Monsieur et même trois je crois que je vous ai envoyé deux louis pour mon contingent de la souscription de la Statue de M. de Voltaire.
Mad. du Bos, soeur de mon ami M. de Maupertuis, vivoit alors et j’aurois craint de l’affliger si elle eût vu mon nom sur la liste des souscripteurs qui vraisemblablement sera rendue publique. C’est pour cette raison que je ne voulois pas être nommé, mais comme je n’étois pas sûr du porteur je demandai une note de M^rs vos Clercs sans signature tels que les bordereaux qu’on donne au T^r royal qua[n]d on reçoit les pensions, note qui ne tire point à conséquence et dont personne n’est responsable. Cependant malgré deux lettres et trois messages et une protestation que le souscripteur étoit une des plus anciene connoissances de M. de Voltaire et son plus gra[n]d admirateur, malgré même la copie de quatre ou six vers faits par le même souscripteur il y a plus de quarante ans pour mettre au bas du portrait de notre plus grand Poète, historien et philosophe vous ou les vôtres furent inexorables, on me refusa cette note et on me renvoya mes deux Louis.

Les choses ont changé. M^de de Bos est morte depuis quelques mois et sa mort a été précédée de celle d’un parent de M. de Maupertuis, celui avec le quel j’avois le plus de liaison. Les raisons qui me retenoient ne subsistent donc plus. Je vous renvoie les deux louis par une persone sûre et ne demande ni reçu ni note. Vous pouvez même écrire sur votre liste au nombre des souscripteurs monsieur Votre très humble et très obéissant serviteur

La Condamine