1743-08-20, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].

Je ne suis arivé ici que depuis deux jours où j'ai trouvé trois de Vos Lettres.

Le Dieu de la Raison et le Dieu des beaux Vers
Président tout les deux à Vos brillans Conserts
Vous déridant le frond en Voulant nous instruire.
Vos Vers de Juvenal empruntent la satire.
Contre Vous Le bigot n'aura pas jeu gagné
De L'isop jus qu'au Cèdre il n'est rien d'épargné.
Malheur à Mirepois si son panégerique
Se prononce jamais en stile académique!
Les arts qu'il ofença pour Vangér leur Chagrins
Boulverseront sa Tombe avec leur propre Mains,
Et la fade Horaison que lui fera Neuville
Aura même en sa bouche un air de Vaudevile.

Je plains Ceux qui ont le malheur de Vous ofencér car avec quatre hémistiches vous les rendéz ridicules ad siecula Cieculorum.

Je ne Vais point à Aix Come je me l'étois proposé. Vous savéz que j'ai L'honeur d'être un athome politique, et qu'en cette qualité Mon estomac est obligé de Dépendre des Combinaisons Des affaires Européanes, ce qui ne l'acomode pas toujours.

Il me semble Mon chér Voltaire que Vous êtes un peu dans le goût de la girouete du Parnasse, et que Vous ne Vous êtes décidé sur le parti que Vous avéz à prendre. Je ne Vous Dis rien là dessus car je Dois Vous paraitre suspect en tout ce que je pourois Vous dire.

Le Tableau que Vous me faites de la France est fort peint en beau. Vous me diréz tout ce qu'il Vous plaira mais une Armée qui fuit trois en de suite et qui est batue où elle se présente ce n'est assurément pas une Multitude de Cesars ni D'Alexandres: et Vos Français tuéz à Detlingen dont Vous Vous glorifiez tant L'ont touts été par derière à ce qu'ont remarqué ceux qui ont exsaminé les Mors sur le Champ de battaille.

Ces aimables poltrons plus femes que soldat
Sont faits pour le Téâtre et non pour les Combat.

Divertisséz L'Europe Nation charmante, gaie, et fole, mais ne penséz point d'en être respectéz, Vous qui fujéz devans La Nation la plus abjecte de la Hongrie et qui Couréz devans une poignée d'home qui ne sont que les débris d'une armée ruinée par les Turcs et par les Prussiens.

J'atans à Vous écrire plus Amplement que je sache si peutêtre Vous Viendréz ici ou quel parti Vous prendréz.

Je ne suis point peint, je ne me fais point peindre, ainsi je ne puis vous donér que de mes Médailles. Valé.

Federic