1743-07-01, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.

Ie vous enoui, Monsieur, vne lettre charmante de votre ami, et que la vôtre a bien mérité.
Ie ne v͞s cache point que ie l'ai luë et ie n'ai pas même cru que la cérémonie de ratacher le Cachet volant fût nécessaire. Ie v͞s auouë même que ie ne l'aurois pas enuoiée à tout autre qu'à v͞s, mais ie Conois trop votre amitié p͞r mr de Voltaire et votre discrétion p͞r rien craindre. V͞s sentés bien par là que ie ne la trouue pas extrêmement sage, et que ie v͞s prie de n'en doner de copie à qui que ce soit. V͞s en sentirés aisém͞t la conséquence en la lisant.

Ie n'ay pu encore obtenir qu'on jouë Cesar, Cependant ie n'en désespère pas encore. Il n'i a jamais eü de négotiation plus dificile parce qu'il n'i a rien de si dificile que de faire reuenir les gens qui mettent l'humeur à la place de la raison. Votre ami est toujours à la Haie, ie comence à espérer qu'il n'ira point en Prusse. Le roi de Pruse vient à Aix la Chapelle où i'espère qu'il l'y vera, mais ie crains bien cette entreuuë Car le roi de Prusse parait par ses lettres auoir vne enuie extrême de le retenir, mais i'espère que l'amitié l'emportera. Ie voudrais bien pouuoir v͞s mander cette bone nouuelle, ie sais combien v͞s v͞s y intéresés et c'est ce qui augmente encore Monsieur l'estime et l'amitié que v͞s m'aués inspiré.

Ie suis bien fâchée que la lettre de votre ami ne soit pas de nature à être renduë publique. Ie Crois qu'on vera la vôtre auec bien du plaisir. Ie comte qu'elle sera le mois prochain dans le mercure.