ce jeudy [15 may 1743]
Mon cher amy qui me faittes plus d'honneur que je n'en mérite, et qui me donnez autant de plaisir que j'en peux ressentir, la difficile Emilie a été très contente de votre épître à quelques bagatelles près, jugez si j'en dois être enchanté.
Je passay hier au soir à votre porte pour vous remercier. Je ne pus d'abord vous écrire parce que je souffrois baucoup, mais votre épître m'a été un beaume souverain.
Si vous voyez Marivaux apliquez votre beaume consolant sur son esprit très injustement aigri. Vous savez s'il y a dans la bagatelle en question le moindre mot qui puisse le regarder, et s'il y avoit la moindre aparence à la plus légère application je ne l'y laisserois pas un moment. Il y a des gens bien méchants qui sèment toujours des poisons tandis que vous faites naître des fleurs. Guérissez Marivaux je vous en prie des soupçons très injustes que luy donnent des gens qui veulent nous tourmenter tout deux. Vale et me ama.