1758-08-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Rousseau.

En revenant de Shuuetzingen Monsieur j'ay icy reçu à mon passage les deux lettres que vous avez bien voulu m'écrire.
Il est vray que les choses écrittes à Mr Darget avec la liberté de l'amitié ne devaient pas être publiques, et que ma lettre n'a pas été imprimée bien fidèlement. Mais c'est lâ un des plus légers chagrins qu'on puisse avoir dans ce monde. Ces bagatelles sont confondues dans la foule des malheurs publics. Je désire fort que la nécessité où l'on est de chercher des diversions à tant de désastres, ramêne un peu les hommes aux belles lettres qui sont toujours consolantes. Votre journal sera toujours une des plus agréables lectures qui puissent amuser les gens de goust. Je n'aurais guères que des fleurs très fannées à vous offrir pour votre parterre, et d'ailleurs on dit qu'il y a des épines qui blesseraient certains lecteurs délicats. Si jamais je fais des psaumes, je vous prieray d'en farcir votre livre, mais je le ferais tomber. En attendant je le lis avec un très grand plaisir.

J'ai l'honneur d'être &a.