aux Délices seize juin [1758]
Je suis bien sensible mon cher monsieur à la bonté que vous avez au milieu de tant d'occupations, de m'instruire de vos négociations et de vos succez.
Vous savez quelle part je prends à tout ce qui vous regarde, et combien je suis flatté de vous voir réussir dans tout ce que vous entreprenez. Nous savions déjà l'affaire des six millions, mais je ne dis à personne que vous êtes chargé de cette grande affaire. C'est un triomphe qui ne sera pas longtemps ignoré. M. de la Bat votre amy prétend qu'il sera difficile aux génois de fournir tout d'un coup cette somme et peut être la Suisse, toutte suisse qu'elle est, serait elle en état de donner ce que les génois n'auront pas de prest. En ce cas je pourais en qualité de suisse mettre mon denier de la veuve dans cette grande offrande, s'il y avait place dans le tronc. C'est une chose que je remets à votre prudence et à votre amitié.
Il s'en faut bien que nos affaires militaires soient conduites comme vous traittez les affaires de finance. La marche du prince Ferdinand de Brunswik et son passage du Rhin sont un chef d'œuvre de l'art militaire, et ce n'en est pas un de l'avoir laissé passer. Voylà un terrible événement.
Lors que vous aurez monsieur quelques moments de loisir, je vous prieray très instamment de vous servir du crédit que vous avez auprès de made de Groslé pour faire naitre dans son cœur le désir de voir monsieur Dargental et pour l'appeller auprès d'elle. Je ne doute pas que vous ne réussissiez dans cette négociation délicate comme vous avez réussi auprès du contrôleur général.
Je sens combien il est ridicule de vous parler àprésent de bagatelles comme d'un petit paquet de livres que je fais partir à votre adresse, et dont je vous écrirai la destination, mais je ne peux faire que de petites choses, et vous voulez bien y avoir égard. Mes nièces vous font mille compliments et l'oncle est à vous pour la vie avec le plus tendre attachement.
V.