A Berlin ce 14 8bre [1740]
Oui, mon cher, digne et respectable ami, je sens tout le prix du titre dont vous m'honorez, je n'en connais point de plus flatteur, ni qui répondent mieux aux sentiments d'amitié avec lesquels je vous serai dévoué toute ma vie.
J'ai exposé au roi, que nous aimons, le doute sur la pension dont il s'agit, et de la façon que s. m. vient de s'expliquer, il y a eu une petite méprise, car, à votre considération s. m. veut accorder une pension annuelle à votre ami de dix mille livres de France; elle y ajoutera encore mille livres, et outre cela monsieur aura le brevet de colonel, mais pour ce qui est de madame, je crois vous l'avoir marqué dans ma précédente lettre, on ne place point de dames mariées; voyez mon respectable ami, si cela vous convient et si vous êtes content, faites moi le savoir s'il vous plaît, au plus tôt.
M. le mis de Beauveau a eu son audience. Je viens de dîner aujourd'hui chez lui, on y a été parfaitement bien. Nous avons bu à la santé de mde la marquise du Chatelet, et j'ai bu encore du meilleur de mon cœur à la vôtre avec m. de Munchow, qui est enchanté de votre connaissance; je le suis de voir que vous avez pris du goût pour lui. C'est un homme d'un caractère excellent. Il est mon ami de longue main, et vous prie de vouloir lui continuer l'honneur de votre souvenir.
M. le mis de Beauveau me paraît un homme infiniment estimable. Il est accompagné de Messieurs le comte de Montazet et du marquis de Lujac qui l'un et l'autre sont très aimables; je suis fâché de ne pouvoir aller profiter de leur société étant obligé de me rendre à Rémusberg où le roi compte de s'arrêter jusqu'au dernier décembre. Sa fièvre quarte va en diminuant, elle n'a que trop duré, et m'inquiète beaucoup encore. Je désire ardemment de pouvoir dans peu vous apprendre sa guérison entière, et que vous puissiez également me donner des nouvelles de la vôtre. Je suis de cœur et d'âme, mon digne et respectable ami tout à vous,
votre très dévoué et fidèle ami
de Keyserling