1740-09-06, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher Voltaire, Il faut malgré que j'en ai Céder à la fièvre quarte plus tenace qu'un Janceniste; et quelque envie que j'aye eu d'allér à Anvers et Bruxelles je ne me vois pas en état d'entreprendre pareil Voyage sans risque.
J'ai donc à Vous proposér si Le Chemein de Bruxelles à Cleves ne vous paroitrait pas trop Long pour me joindre, c'est L'unique moyein de Vous voir qui me Reste. Avouéz que je suis bien malheureux, car àprésent que je puis disposér de Ma personne et que rien ne m'empêchoit de Vous Voir, la fièvre s'en melle et paroit avoir desein de me disputér cette satisfaction. Trompons la fièvre mon cher Voltere et que j'aye Dumoins le plaisir de vous ambrassér. Faites bien mes excuses à La Marquise de ce que je ne peu avoir la satisfaction de la Voir à Bruxelles, tout ceux qui m'aprochent Conoisent L'intention dans laquelle j'étois et il n'y avoit Certenement que La fièvre quarte qui pût me La faire changér.

Je Serai Dimanche à un petit endroit proche de Cleve où je pourai vous posedér véritablement à mon aisse. Si Votre Vision ne me guérit je me confese tout de suite. Adieu, Vous Conoiséz mes sentimens et mon coeur.

Federic