1740-10-06, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].
Nonobstant tout mes maux, L'Instant où je vous vis
Je me crus hors du monde et dans le paradis,
Dans ce beau paradis où mon âme hérétique
Ne pensoit de trouvér qu'un païs Chimérique.
Je vis ces yeux brillans tempéréz de douceur,
J'entendis cette voix souveraine du cœur.
Oui, j'entendis. . . .Ah! mortels misérables!
Qui pouroit répéter ses discours inefables?
C'est à vous autres dieux des Esprits à parlér,
A nous, à vous ouïr, nous taire, et admirér.
Et malheur à qui veut imitér votre flame
Si ce feu tout divin n'anime point son âme.
Tout ce bonheur parfait ne dura qu'un moment.
Enfin quelque Démon impitoyablement
Vous ravit à mes yeux, pour que mon âme heureuse
De cette Vision ne devint Orgeilleuse.
La fièvre en grelotant vint pour m'humiliér.
Paul, cesse de tes maux à te glorifiér!
De tes foits de Satan, de tes pennes grièves.
J'ai vu plus en efet que ne feignent tes rêves,
Et si je ne Volois à ton troisième Ciel
Mon plaisir fut plus grand, et mon mal plus réel.

Je suis honteux de vous devoir trois lettres, mais je le suis bien plus encore d'avoir toujours la fièvre. Envérité mon cher Voltaire nous sommes une pauvre espesse; car un rien nous dérange et nous abat.

J'ai profité de Vos avis touchant Mons: de Liege et vous veréz dans les gazettes que mes droits seront impriméz. Cependant, L'afaire se termine et je crois que dans 15 jours mes troupes pouront évaquér le conté de Horn; Cesarion Vous aura répondu au sujet de monsieur du Chatelet. J'espère que vous seréz content de sa réponce.

Envérité je me repens d'avoir écrit le Machiavel car les Disputes où il vous entrene avec Vanduren font une espèce de banqueroute à L'Univers de 15 jours de Votre Vie.

J'atans le Mahomet avec bien de L'Impasience.

Cher Voltaire sans Mahomet
Il n'est point de plaisir parfait.
Que ce Turc, et son inhumaine
Volent pour brillér sur la senne,
Que de ses sages mains, la tendre Melpomene
A mon Remus pour eux a fait.
Le fanatisme et pis encore
Sera joué par nos acteurs
Qui des Mensonges Vains que le Vulgaire adore,
De L'enfer et de ses Tereurs
Savent L'art d'égayér des propos agréables
En dépouillant les saintes fables
Du Respect et des Vains honeurs
Dont les plus vills des Imposteurs
Décoroit des faits peu croÿables
Et dorent les dehors des plus folles ereurs.

Voudriéz Vous engagér ce Comédien, auteur de Mahomet, et Lui enjoindre de levér une troupe en France et de L'amenér à Berlin le 1 de juin 1741. Il faut que la Troupe soit bonne et Complette pour le tragique et le Comique, les premiérs Rolles doubles.

Je me suis aussi ravissé sur le sujet de Votre savant à tans de Langues. Vous me ferai plaisir de me L'envoyér.

Bernard parle en adepte, il ne veut point imprimér des livres mais il veut faire de L'or.

Si je puis je ferai marchér la Tortüe Breda, je ferai même écrire à Wiene pour madame du Chatelet à mon Ministre, qui poura peutêtre s'employér utilement pour Elle; saluéz cette Rare et aimable persone de ma part, et soyéz persuadé que tant que Voltaire exsitra, il n'aura de meilleur ami que,

Federic