des bords du Phaze le 7 d'avril 1744
Enfin Malgré que j'en aye Voilà des Vers que Votre Apollon m'arache, encore s'il m'inspiroit: Votre Merope m'a été rendûe, ai j'ai fait Le Comisionaire de L'Auteur en Distribuant son Livre. Je ne m'étone point du succez de Cette piesse. Les Corections que Vous y avéz faites la rendent par raport à la sagesse De la Conduite, à la Vrai semblence, et à L'interêt, supérieure à toute Vos Autres pièces de Téâtre, quoi que Mahomet aje plus de force, et Brutus de plus beaux Vers. Ma soeur Ulerique Voit Acomplie Votre rêve en partie en ce qu'un Roy La Demande pour Epouse. Les voeux de Toute la Nation suedoise sont pour Elle. C'est un entousiasme et Un fanatisme au quel ma tendre amitié pour elle a été obligé de Cédér. Elle va dans un païs où ses Talens lui feront jouér un grand et beau Rôle.
Dites s'il Vous plait à Rohtenbourg si Vous le Voyéz que ce n'est pas bien à lui de ne me point écrire depuis qu'il est à Paris. Je n'entends non plus parler de lui que s'il était à Pequin. Votre air de Paris est comme la fontaine de Jouvence et vos voluptés comme les charmes de Caplipso, hormis que j'espère que Rohtenbourg échappera à la métamorphose. Adieu adorable historien, grand poète, charmant auteur de cette pucelle invisible et triste prisonnière de Cirei; adieu à l'amant de la cuisinière de Valori, de madame du Châtelet et de ma sœur. Je me recommande sous la protection de tous vos talents et surtout de votre goût pour l'étude dont j'attends mes plus doux et plus agréables amusements.
Federic
On démeuble la maison que l'on avait commencé à meubler pour vous à Berlin.