1759-04-16, de Baron Albrecht von Haller à Charles Bonnet.

… La letre de Mr de V. avec la réponse est juste à quelques corrections près que j'y ai ajoutées.
Il m'est venu de la part de ce célèbre Poète trois autres letres du depuis. La dernière revient à Servet, et traite son exécution d'acte de Cannibale. Je ne sais de quel droit M. de V. vient chez nous nous dire des [in]jures. Lui qui se dit catholique devroit se souvenir que cette Eglise a fait cent mille exécutions telles que celle de Servet et que ses loix qui en ordonnent de pareilles, subsistent en vigueur. Servet même a été condanné à Vienne au même supplice….

La dernière lettre de M. de V. m'a fait plus de peine que les autres. Il y triomphe d'avoir su parvenir à ses buts et obtenir la suppression de ce qu'on a écrit contre lui. Ce triste avantage, M. de Maup. l'a eu contre lui. C'est la vérité de laquelle j'atendrois ma défense, et non pas du crédit. Je n'ai jamais comuniqué qu'une lettre de M. de V. à un de mes amis, Sinner de Gessenai, sans avoir dû penser qu'il en donnât des copies. Mais en vérité, il ne faut écrire que ce qu'on veut avouer et soutenir.

J'ai cru devoir écrire à M. de V. avec politesse. J'ai cru devoir conserver en même tems l'estime due aux Talens, et les devoirs suprêmes que nous impose la vérité. Mais je ne lui ai jamais cédé d'un pas sur ce qui afecte la religion, les mœurs et la patrie. Il est vif dans ses décisions, il faut y résister avec constance. La modestie dont cette vertu se couvre avec plaisir n'émousse pas ses armes….

Je suis très parfaitement

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Haller