à la Haye, ce 21 juillet [1740]
Mon cher monsieur vous voylà comme le messie, trois rois courent après vous.
Mais je vois bien que puisque vous avez sept mille livres de la France et que vous êtes français vous n'abandonnerez point Paris pour Berlin. Si vous aviez à vous plaindre de votre patrie, vous feriez très bien d'en accepter une autre, et en ce cas je féliciterois mon adorable roy de Prusse. Mais c'est à vous à voir dans quelle position vous êtes. Au bout du compte vous avez conquis la terre sur les Cassini et vous êtes sur vos lauriers. Si vous y trouvez quelque épine, vous en émousserez bientôt la pointe. Cependant si ces épines étoient telles que vous voulussiez abandonner le pays qui les porte pour aller à la cour de Berlin, confiez vous à moy en toute sûreté. Dites moy si vous voulez que je mette un prix à votre acquisition. Je vous garderay un éternel secret comme je l'exige de vous, et je vous serviray aussi vivement que je vous aime et que je vous estime.
Me voicy pour quelques jours à la Haye, je retourneray bientôt à Bruxelles; me permettrez vous de vous parler icy d'une chose que j'ay sur le cœur depuis longtemps? Je suis affligé de vous voir en froideur avec une Dame qui après tout est la seule qui puisse vous entendre et dont la façon de penser mérite votre amitié. Vous êtes faits pour vous aimer l'un et l'autre. Ecrivez luy. Un homme a toujours raison quand il se donne le tort avec une femme. Vous retrouverez son amitié puisque vous avez toujours son estime.
Je vous prie de me mander où je pourais trouver la première bévüe que l'on fit à votre académie quand on jugea d'abord que la terre étoit aplatie aux pôles sur des mesures qui la donnoient allongée.
Ne sait on rien du Pérou?
Adieu, je suis un juif errant à vous pr jamais.
V.
Vous pouvez m'écrire à Bruxelles.