[c.20 April 1739]
Mon aimable ange gardien, vous me donnerez donc le temps de vous envoyer ma seconde tragédie, avant de me faire tenir vos remarques sur la première
Vous me laissez dans une grande incertitude sur ma proze et sur mes vers. Vous savez que toute la négociation dont mr Heraut vouloit bien être l'arbitre, étant rompue, et n'ayant pu obtenir une satisfaction convenable, il faut au moins que j'aye une justification publique. Il me parait que L'écrit que Le ch. de Mouhi vous a présenté de ma part, est plus modéré que celuy de L'abbé d'Olivet qui a été imprimé avec aprobation. En un mot je ne vois pas que Le chevalier de Mouhy risquât rien en demandant une permission tacite. Vous sentez bien qu'il seroit cruel de me refuser la permission d'une deffense si légitime contre des attaques si odieuses.
Si vous trouvez l'écrit encor trop fort, voudrez vous bien passer un quart d'heure de votre temps, à y mettre en marge des coups de crayon? J'entendray bien vos réflexions à demy mot. Voylà comme il en faudroit user avec Zulime. Vous n'auriez qu'à renvoyer Les deux manuscripts à deux ordinaires l'un de l'autre à l'adresse de madame du Chastelet. Vous pouvez faire tenir le tout à mr de Chambonin au bureau des fortifications, rue du Hazard, chez mr de Ramsau, Directeur des fortifications du royaume, lequel contresigne pour m. le maréchal d'Asfeld.
J'attends vos ordres, mon cher ange. On me mande que ces deux chapitres sur le siècle de Louis 14 pouroient me faire des affaires. Ah mon cher amy où faut il donc aller? Quoy, un monument que j'ay cru élever à la gloire de la France ne serviroit qu'à m'écrazer! O Emilie, pourquoy êtes vous française? O liberté! . . . Adieu.