a Cirey ce 21 [January 1739]
Je vous ay renvoyé, madame votre lettre par Mr Dargental.
J'ay pleinement obéi à vos ordres. Vous avez permis que Monsieur Dargental la fit voir à M. le chancelier et à quelques magistrats, et à quelques personnes supérieures qui peuvent punir l'abbé Desfontaines. Je vous remercie de cette bonté, mais encor une fois ne craignez point d'être compromise. Vous n'avez rien à craindre d'un scélérat méprisé qui est l'objet de l'horreur publique, et vous ne retirerez que de la gloire d'avoir pris avec grandeur et générosité le party de l'innocence et de la vérité contre la calomnie et contre le crime. Me permettriez vous d'envoyer une copie de votre lettre à m. le marquis Maffey, et pouriez vous engager Monsieur de Ramsay à aller parler à M. Heraut chargé par m. le chancelier de punir l'abbé Desfontaines? Mr de Ramsay, luy confirmeroit les scélératesses de ce monstre; il luy diroit qu'il y a plus de quatre ans que je vous ay même supliée d'interposer votre crédit auprès de ce misérable pour arrêter ses fureurs, et pour luy en épargner la suitte inévitable.
Il luy diroit que vous avouez tout ce qui est dans votre lettre dont m. Heraut a copie. Enfin il avanceroit la punition de Desfont. et la joye du public; il peut compter sur le plus profond secret et la plus vive reconnaissance. C'est avec ces sentiments que je vous suis dévoué pour la vie. Un peu de fermeté je vous en suplie. Il n'y a que de l'honeur à recueillir, et nul blâme à essuyer.
Je reçois dans ce moment des lettres de M. de Maurepas et de mr Heraut. Mais ma chère amie leur protection n'est rien sans votre témoignage.