à Cirey 14 janvier 1739
Notre très aimable philosophe, tout Cirey vous fait les plus tendres compliments: nous ne vous avons point écrit parce que baucoup d'occupations nouvelles nous ont extrêmement dérangés, mais nous vous étudions sans vous le dire.
Monsieur de Maupertuis est icy. Il fait de vous le cas qu'un grand génie doit faire de son confrère. Les matières que nous traitons icy ne font que redoubler notre estime pour vous. Il y a sur tout une certaine impulsion, un choc des corps qui pouroit bien être de première nécessité. Il y a longtemps qu'un mot que vous m'en avez dit dans votre dernière lettre m'a bien donné à penser. C'est un germe qui produit une moisson de phisique et de métaphisique, mais je ne feray jamais la moisson sans vous. Il me semble que l'éclaircissement d'une telle question est bien digne d'un esprit tel que le vôtre. Si jamais vous y travaillez n'oubliez pas Cirey. Croyez qu'il n'y a aucun lieu sur la terre où l'on fasse plus de cas de vous, où la vérité soit plus chère, et où l'on aime mieux à la recevoir de votre plume. Plût à dieu qu'on pût l'entendre de votre bouche!
Adieu, Monsieur, tout Cirey est à vous plus que jamais, et je suis particulièrement avec l'estime la plus tendre votre admirateur, votre amy, votre très humble et très obéissant serviteur.
V.
Cirey écrit peu aujourduy parce qu'on n'a pas un moment à soy. Cela est étrange à la campagne mais cela est vray.