Je començois à Etre en peine de v͞s, Monsieur, ie craignois que mon comerce ne v͞s fût deuenu à charge; mais ie vois par votre lettre que votre amitié est aussi inépuisable que vos lumières.
Ie n'osois croire auoir raison contre mr de Mairan auant votre lettre, mais ie me sens bien forte à présent, et v͞s releués mon courage. Mon dieu qu'il v͞s reste encore de ténèbres à dissiper dans mon esprit, et que votre présence m'est nécessaire! Ie me flatte que cette fois cy v͞s ne me tromperés pas, et que v͞s v͞s rendrés à l'enuie Extrême que i'ay de v͞s admirer de près. Mr de Vernique est bien heureux d'être auec v͞s, et s'il vient v͞s acompagner icy i'en seray charmée. Indépendam͞t de son mérite, votre seule amitié sufiroit p͞r me le faire désirer. V͞s receurés Encore vne lettre de moi au sujet de cette frase italienne de Thiriot. J'ay enfin trouué le vray sens de l'énigme et v͞s verrés bien qu'il m'étoit impossible de le deviner. I'attens avec impatience votre sentiment sur les deux pièces de vers qui Etoient jointes à cette lettre. Ie prens la liberté d'acompagner celle cy d'un petit Espèce d'extrait des Elémens de Neuton que ie désirerois bien qui pût v͞s plaire. I'y louë un peu mr de Fontenelle, mais c'est afin d'auoir la permission de le blâmer indirectem͞t. J'ay donné sur les doits au père Renaud dont j'ay cité les propres mots en lettres italiques, enfin ie dis vn peut son fait à L'abé Demolieres qui prétend dans des lettres imprimées dans les journaux de Treuoux auoir trouué la cause méchanique de l'attraction, et l'académie, dit il, en conuient, mais ie m'aperçois que ie dis, je, que cela ne n͞s passe pas ie v͞s prie, car ie ne désire pas que ce petit ouurage passe p͞r être de moi p͞r bien des raisons. J'ay regardé come un miracle qu'il ait passé, et i'ay eü sur cela des obligations à vn homme dont votre amitié m'a concilié la bienueillance. C'est l'abé Trublet, qui m'a deuinée et à qui ie me suis confiée depuis, ne pouuant l'éuiter. I'espère que v͞s pardonnerés à ma confiance en votre amitié la liberté que ie prens de v͞s Enuoyer cette guenille.
Je connois mr Wolff p͞r vn grand bauard en métaphisique. Il est plus concis dans les 3 tomes de sa phisique mais il ne me paroit pas auoir fait de découuertes ni dans l'une ni dans l'autre. Ie vais demander le liure de lui dont v͞s me parlés, car je crois que quand on veut aprofondir vne matière, il faut tout lire. Votre idée que dieu n'a pas fait (car n'a pas pu faire est vn grand mot) de corps sans ressort, m'en a fait naitre vne, c'est que les premières parties de la matières peuuent être insécables non par la priuation entière de ressort mais par la volonté de dieu, car on est souvent obligé d'y auoir recours, et ie crois cette indiuisibilité à être des premiers corps de la matière d'une nécessité indispensable en phisique. Adieu monsieur, dédomagés moi souuent par vos lettres du terme que v͞s mettés au tems où je joüirai de votre présence. V͞s m'auertirés sans doutte quand il faudra adresser les miennes à Paris. Mr de V. et mr du Chastelet me prient de v͞s faire leurs complimens.
à Cirey ce 29 7bre 1738