ce 22 [January 1736]
J'ay passé toute la journée mon cher amy, à éplucher de la métaphisique, à corriger les Américains, à répéter une très mauvaise comédie de ma façon que nous jouons à Cirey.
(N. b. qu'Emilie est encor une actrice admirable). Je finis ma journée en recevant votre épître du 19. Mon cher Tiriot, que voulez vous que je vous dise? Je n'ay plus de terme pour vous exprimer combien je vous aime. Il faut répondre en bref. Je prie les comédiens de ne point prendre le double, et j'ay déjà écrit très fortement sur cela à monsieur Dargental.
Pr la jolie Dangeville, elle fait bien de l'honneur à l'indiscret. Dites luy mon cher amy que je la remercie de vouloir embelir de sa figure et de son action cette bagatelle. Si j'avois pu prévoir autrefois que ce rôle seroit joué par elle, je l'aurois fait bien meilleur. Mais il faudra absolument retrancher baucoup d'une très longue scène du valet de l'indiscret et de Julie. Cette scène est injouable telle qu'elle est. Je ne vous feray point aujourduy de dissertation sur l'opera, pour ce que pluribus attentus minor est ad singula sensus.
Vous pouvez me confier ce secret de plaire au gds. Je l'embrasseray avec l'avidité d'un homme qui souhaitte passionnément de rester dans un pays habité par Emilie et par vous. Dites moy ce que c'est que ces deux lettres. Comptez que je n'abuseray pas de votre confiance. Vous pouvez hardiment tout dire à un homme qui se tairoit dans Paris, et qui n'a personne avec qui bavarder icy. Encor un coup confiez moy hardiment un secret qui m'est important, à moins que vous ne me preniez pour le héros de la piece qu'a demandée la reine. J'ay lu les lettres de Pope, sed plura at an other time. J am yr for ever, and more yr friend than ever.
V.