1739-01-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Cher ange gardien, les mortels de Cirey ne feront rien sans vos inspirations.
Mon neveu doit venir vous prier de souffler votre esprit sur lui. Vous lui direz s'il est convenable qu'il présente un placet à mr le chancelier.

Le jeune Helvetius, qui paraît avoir bien de l'esprit et un cœur excellent, vous enverra un petit mémoire qui me paraît absolument nécessaire pour ce pays-ci, pour les étrangers, et pour la postérité (si j'ose porter mes vues jusqu'à elle).

Croyez vous que mes gens d'affaires fissent mal de rechercher l'auteur et l'imprimeur du libelle et de faire secrètement chez un commissaire un procèsverbal qui servira en temps et lieu? Tout cela est éloigné d'une tragédie, mais grâce à vous nous y reviendrons. N'espérez vous pas de celle de Linant? Adieu. Malgré tous ces orages j'aime les beaux arts plus que jamais. Les serpents que je rencontre aux bords de l'Hipocrene ne m'empêchent point de boire. Rien ne me décourage, car Emilie et vous, vous m'aimez. Mille tendres respects à l'autre ange, mad. d'Argental.

Comment vont vos affaires cette année?

V.