Mon cher ami, v͞s receurés par cette poste vn nouueau mémoire.
Ie v͞s en ai dit mon auis, j'espère que v͞s m'apuierés, i'en ay besoin. On vouloit aller à Paris, i'ay bien de la peine ie v͞s assure, et i'espère toujours que le tems n͞s amesnera vn repos que ie n'ay pas encore goûté. Songé à me parer du voyage de Paris, dites en vn mot dans vos lettres.

Non ie v͞s assure ie n'ay point été contente de la lettre de Tiriot, ce n'étoit point une lettre ostensible que ie lui demandois, et ie la lui renuoie. Ie suis très en colère de ce qu'il mande qu'il l'a montrée à plus de deux cent personnes. Il ne lui est point permis de me mettre ainsi en jeu. Si l'abé des Fontaines alloit s'en préualoir p͞r parler de moi dans quelque libelle jugés quel scandale cela feroit dans ma famille! Votre ami moureroit de douleur. Ie v͞s prie donc de lui imposer silence, et de retirer de lui ma lettre où je traitois l'abé des Fontaines de monstre. On ne saist ce qui peut ariuer. Empêchés le de me compromettre là dedans, et retirés ma lettre, et qu'il ne parle plus de la sienne, et qu'il ne soit plus question de moi. Cela est bien essentiel.

I'attens de vos nouuelles sur cet almanach, sur l'ambassadeur d'Hollande, et sur le mémoire.

Mais is v͞s demande en grâce faites escrire à la Mare la lettre que ie v͞s ay demandée, et qu'il ne rapelle point les précédentes. I'ay été obligée d'en suprimer encore vne aujourd'hui de lui où il parloit du renuoy de la comédie, mais à la fin la bombe crèuera, et cela sera terrible. Sauués moi cette scène ie v͞s suplie.

Adieu. Ie v͞s accable de mes lettres, ce sont les charges du bénéfice d'ange gardien. Conduisés n͞s. J'aprouue assés cette requeste au chancelier et que tous les intéressés dans le libelle s'y joignent, mais ie soumets tout à vos lumières et à votre amitié. Adieu mon respectable ami. Malgré tant de chagrins le 1^er acte est dans son cadre. Son défaut est d'être trop touchant. Ie grille d'impatience de v͞s envoyer la pièce.

Mille choses ie v͞s suplie à m͞e Dargental.

ce 18 [January 1739]