Le 5 juin [1738]
Mon cher ami, vous passez donc une partie de vos beaux jours à la campagne, et vous n'aurez pas plus daigné assister à une noce bourgeoise, que vous ne daignez aller voir jouer des pièces ennuyeuses à la comédie.
Assemblées de parents, quolibets de noces, plates plaisanteries, contes lubriques, qui font rougir la mariée, et pincer les lèvres aux bégueules, grand bruit, propos interrompus, grande et mauvaise chère, ricanements sans avoir envie de rire, lourds baisers donnés lourdement, petites filles regardant tout du coin de l'œil, voilà les noces de la rue des deux Boules, et la rue des deux Boules est partout. Cependant voilà ma nièce, votre amie, bien établie, et dans l'espérance de venir manger à Paris un bien honnête. Si elle ne vous aime pas de tout son cœur, je lui donne ma sainte malédiction.
Quand aurai je la démonstration de Rameau contre Newton? Lit on le livre de Maupertuis? C'est un chef d'œuvre. Il a eu raison de ne rien vouloir des rois. Regum œquabat opes meritis. Les Français ont ils la tête assez rassise pour lire ce livre excellent?
Un de mes amis, qui n'est pas un sot, sachant que le sodomite Desfontaines avait osé blasphémer l'attraction, m'a envoyé ce petit correctif:
Pour moi j'avoue que j'aime beaucoup mieux cet ancien conte que vous aviez, ce me semble, perdu à Paris, et que je viens de retrouver dans mes paperasses.
Pour la consolation des gens de bien, mon cher ami, vous devriez faire tenir cela au sieur Guyot afin qu'il en dise son avis dans quelques observations. Je me recommande à vos charitables soins. Mais passons à d'autres articles de littérature honnête. J'ai été si mécontent de la fautive et absurde édition des Eléments de Newton, et je crois vous avoir dit qu'elle fourmille de tant d'énormes fautes, que mon avertissement pour les journaux est devenu fort inutile. J'en ai écrit à Trublet, que je connais un peu, et je lui ai dit que je le priais seulement qu'on décriât l'édition et non moi. Le petit journaliste ne m'a pas encore répondu; vous devriez le relever un peu de sentinelle; et sur ce je vous embrasse tendrement.