à Paris le 25 9bre 1750
J'avais été instruit dans le temps monsieur de l'ingratitude et de l'insolence du petit d'Arnaud envers vous et j'en avais marqué mon indignation: je priai même mr d'Argental de remonter à l'origine de la lettre à Fréron et d'en prendre copie.
Cette lettre était sue de tout le monde et se débitait d'une manière si désavantageuse que je voulus voir la préface dont on se plaignait et qu'on accusait d'être tronquée. Elle me parut aussi simple que je pouvais la désirer et je n'y trouvai à redire que le nom de l'auteur et son style: enfin monsieur je ne doute point que le grand roi que vous servez ne vous rende promptement justice. On est heureux d'avoir à défendre la vérité devant le monarque qui l'éclaire et la protège. Cependant malgré cette assurance je vous exhorte encore monsieur, au plus grand courage. Les grandes réputations et la parfaite tranquillité ne vont guère de compagnie. Mais pour revenir à notre petit homme on me dit dans le moment qu'il vient d'écrire une nouvelle lettre à Fréron où il assure que tout est raccommodé. Au nom de dieu, monsieur, en soutenant les vrais talents, gardez vous de ces lourds frelons, ils ne se souviennent de ce qu'ils vous doivent que pour en punir leur bienfaiteur. Je me rappelle à ce propos qu'une personne me disait un jour qu'étant placée à l'amphithéâtre auprès de l'abbé Desfontaines et de d'Arnaud, il entendit le premier reprocher à l'autre quelque attachement pour vous. ‘Mais mr ’, répondit d'Arnaud, ‘vous ne faites pas attention qu'il m'oblige et que je lui dois de la reconnaissance’. ‘Eh bien’, reprit l'abbé, ‘on peut prendre de lui lorsqu'on a des besoins, mais il faut en dire du mal.’ Vous voyez que l'homme s'est souvenu de la morale, et qu'il n'a pas tardé de la mettre en pratique.
Adieu monsieur, méprisez cette vile engeance et tâchez de vous armer de philosophie sur les événements. La vérité triomphe toujours à la longue, et l'envie se trouve abattue sous le poids des grandes réputations.