du 21 septembre 1755
Il est vray Madame que je me suis plaint à m. votre frère de ce que vous m'aviés cité comme garant du larcin imputé à m. de Ximenes.
J'avois entendu dire que le manuscrit imprimé à Paris venoit de luy, mais ce n'estoit qu'une simple allégation dénuée de toute preuve et celuy de qui je la tenois ne me l'avoit donnée luy même que comme un ouy dire.
J'en parlay sur ce ton là à m. d'Argental parce que je crus que cette indication pourroit luy estre utile dans des recherches qu'il vouloit faire. M. d'Argental n'est certainement pas capable de donner à mes paroles plus de valeur qu'elles n'en ont. Jugés si j'ay dû estre surpris quand j'ay reçu votre lettre avec la copie de celle que vous écrivés à mde de Pompadour dans la quelle vous l'assurés que j'ay la preuve de tout ce que vous avancés. Je venois de recevoir cette lettre dans le moment que je vis m. votre frère. C'est ce qui a donné lieu à la conversation que j'ay eue avec luy.
Aureste je ne prétends pas disculper m. de Ximenes plus que je n'ay prétendu l'accuser. Je n'ay de preuve de rien, c'est une intrigue ténébreuse que je n'ay point pénétrée.
Vous me parlés aussi Madame, d'un secret que j'ay exigé. Je ne sçais ce que c'est. Je ne me suis jamais plaint que vous eussiés violé mon secret, je me suis plaint seulement d'avoir été cité sans aucun fondement.
Pour ce qui regarde m. votre oncle, je sens bien que ses ennemis ne manqueiont pas de luy imputer cette édition quelque formel que soit son désaveu. Quant à moy je n'ay sur cela quant àprésent aucun soupçon capable d'altérer l'opinion que je veux avoir d'un si grand homme, et puisque j'ay paru sensible à ce qu'on me faisoit tenir des propos désavantageux à m. de Ximenes, vous devés croire que je n'adopteray pas légèrement des bruits injurieux à m. de Voltaire.
Je suis avec respect Madame.