4 janvier [1738]
Je reçois mon cher amy votre lettre du 1er janvier.
Puisque vous ne voulez pas écrire à mr de Guise je vais luy écrire une lettre de compliment qui ne retardera en rien le jugement du conseil.
Les biens libres de mr de Richelieu me paraissent très engagez. Les terres qui entrent dans son duché, sont par cela seul substituées de droit. Et où prendre ce remploy prétendu de sommes payées par son père? Je sçai que son père a vendu tout ce qu'il a pu vendre. De plus mon hipotèque ne subsistant plus, sur quoy pui-je me faire payer? Je voudrais qu'au moins, on chargeast quelque fermier de me payer 4000lt par an et surtout 4300lt échus en janvier 1738? Aureste je pourais très bien emprunter 20000lt sur la terre de Cirey par ce que j'ay prêté 20000lt à mr Duchastelet, et en mars prochain je donnerais à mr de Richelieu 14700lt, qui avec les 5300lt qu'il me devra feront 20000lt, et il me ferait alors 6000lt de rente qu'il m'assigneroit ou sur les sels de Brouage ou sur telle autre terre, les fermiers chargez de payer aux termes acoutumez, mes hipotèques subsistant sur tous ses biens, et ny moy ny vous n'aiant plus à faire à son intendant. Mais j'aimerois mieux être payé en janvier de mes 4300lt échus.
3º je persiste toujours dans les idées de l'adjudication de la terre de Spoy. Je vous suplie d'en parler à mr Camuzat. Il vous donnera je croi bien des renseignements. Je croi que mr de Maulevrier, gendre de feu mr Destaing le cordon bleu, est celuy qui a le premier droit au retrait lignager, et le seul des parents qui pût et qui voulût faire ce retrait. C'est madame de Maulevrier, sa femme, qui gouverne les affaires et qui dit on les entend bien. Vous savez qu'en cas qu'elle voulût faire ce retrait mon dessein serait qu'elle me laissast ma vie durant la jouissance de cette terre. J'en aurais soin, je la mettrais en valeur, et je ferois le bien de sa famille.
4º je vous prie de chercher toujours 20 ou 30 mille livres à placer par privilège sur cette terre de Spoy.
5º je vous ay envoyé le certificat de vie pour mes rentes viagères. Je compte qu'Arouet payera par les mains de Menil à la première réquisition, que Belle poule payera à la purification, et mrs de Villars et d'Auneuil dans le courant de janvier. Que dit mr Clement?
6º je vous prie de me mander ce que nous avons d'argent comptant. Pingar ne doit il rien?
7º j'ay envoyé de petits billets que mr votre frère montrera à Praut, et sur les quels j'attends réponse prompte. Je prie mr votre frère de mettre dans le premier paquet Telefonte par mr de la Chapelle.
8º je vous prie instament d'aller voir mademoiselle Mignot l'ainée, de luy donner le sac de mille livres, luy demandant bien pardon de ma grossièreté, et luy disant qu'il y en a 400lt pour la cadette. Vous direz (en particulier à cet aînée) que je suis mortifié pour elle qu'elle ait refusé le party que je luy proposais, qu'elle aurai joui de plus de 8000lt de rentes, et qu'elle eût épousé un homme de condition très aimable, mais que j'ay tout rompu dès que j'ay sçu qu'elle faisoit la moindre difficulté. Assurez la de ma tendre amitié, dans les termes les plus forts. Vous me ferez plaisir de luy faire un peu sentir la différence de mon caractère et de celuy d'Aroüet, ma facilité en afaires, enfin tout ce que vous croirez qui poura augmenter sa confiance et son amitié. Elle avoit envie de vous charger de sa procuration et de venir s’établir auprès de moy. Dites luy qu'elle eût très bien fait. A l’égard de la tabatière, envoyez la moy et si elle est agréable, je vous en feray donner plus que vous ne demandez. Mettez la dans le premier envoy.
9º je vous recomande melle Damfreville pour 100lt et Darnaud pour 24.
10º par quelle voye avez vous envoyé les présents d'enfant avec ce qui les accompagnait?
11º quelle année de pension m'a t'on payée au trésor royal? et quelle année se paye àprésent? Mr votre frère peut le savoir.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
12º La femme de Lebrun a dû recevoir un balot de bouteilles d'encre qu'elle fera remplir, et qu'elle renverra. Mais dans ce balot il y avoit un termomètre à l'esprit de vin, que je renvoye comme on me l'a envoyé.