Ie v͞s demande pardon, monsieur, assurém͞t j'ay bien tort, mais i'ay été moimême si inquiète, i'ay eü tant de lettres à escrire, que ie n'ay pas songé à soulager votre inquiétude.
Votre ami est allé d'Aix la Chapelle à Leyde où il est entre les mains du fameux Boërhaue dont sa santé se trouue très bien. Il m'a escrit du 28, il consulte Grauesende sur sa philosophie. Ie l'exhorte fort à ne point aller en Prusse et ie sais qu'il ne tient qu’à lui de ne point faire ce voyage, mais ie ne sais s'il le Voudra. Il me parait que ie n'ay pas grande voix en chapitre et ie doutte que la France le reuoie sitost dont ie suis ie v͞s assure très fâchée. Il ne tiendra pas à moy qu'il ne la préfère à Berlin. Ie lui ay Enuoyé vos lettres come ie v͞s l'ay mandé, et peutêtre receurés v͞s sa response auant cette lettre. I'espère qu'il gardera sa pucelle autant qu'il le doit, ie n'i puis rien que par des conseils dont assurément ie n'ay pas été auare enuers lui. Il me semble qu'auec l'esprit qu'il a se seroit à lui d'en donner aux autres, Car que peut on lui dire que la pénétration de son génie ne lui ay fait voir? Ie crois qu'il faut se résoudre à l'aimer de loin, et ne se point mesler de ses affaires. Pour moi voilà le party que i'ay pris. Adieu monsieur, conserués moi l'amitié qu'il m'auoit procurée et si v͞s lui escriués ne lui parlés point de cette lettre ie v͞s suplie.
à Cirey, ce 1er féurier [1737]