Mon cher ami, i'espère que v͞s n͞s instruirés de votre résolution sur la lettre de m^r Heraut et sur la response de votre ami.
V͞s voyés que l'affaire est renuoyée à m^r Heraut, et que c'est de lui qu'elle dépend à présent entièrem͞t. Quand on parlera au chancelier, et aux autres ministres ils diront, l'affaire est renuoyée à m ^r Heraut, et m^r Heraut dira, qu'on me présente vne requête et ie ferai justice. Donc point de justice sans requête, mais d'un autre côté, si m^r de V. présente requête, ne faudra t'il pas aller à Paris? est on sûr que m^r Heraut n͞s seruira en ami? Voilà ce qu'il faudroit sauoir, et en attendant pourquoi n'auoir pas présenté requête au nom du cheualier de Mouhi et de Tiriot, que la lettre du prince a aiguillonné, et qui offre de faire tout ce qu'on veut? P͞r moi ie ne vois pas pourquoi on ne l'a pas fait. Le neueu de m^r de V. auroit dû aussi en présenter vne. Cependant rien ne se fera sans vos ordres, c'est notre première loy. Mais ie suis à tout moment prête à voir partir m^r de V. p͞r Paris, et à mourir de chagrin par conséquent. M͞e Ch. v͞s dira les justes raisons que i'ay de m'oposer à ce voyage, mais il ne cesse de me dire que c'est le trahir que de le retenir à 50 lieuës pendant que son ennemi est à Paris, et triomphe, et de lui faire soutenir vn procès criminel sans y être. Que répondre? Secourés moi ange diuin. Il a escrit aujourd'hui toutes les lettres que v͞s lui aués ordoné. M^r du Chastellet n͞s a promis de voir m^r Heraut, et de tâcher de sauoir ce qu'il pense, mais c'est m^r de Maynieres surtout qui pouroit le sauoir, et de celà dépent àprésent notre sort, et nos démarches.

I'ay encore quelqu'espérance que m͞r du Chastellet achètera la maison de l'isle. Ie v͞s prie de l'exhorter à cette emplette qui est assurém͞t belle et bonne. N'en pàrlés qu'à lui. Ie voudrais que cela fût fait auant qu'on le sût.

Adieu, ie suis bien affligée mais je v͞s aime bien tendrement.

ce 23 féurier [1739]