1736-08-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à — Berger.

Je ne peux assez remercier mr Gonay.
Il faudra que la 2e Henriade soit pour lui; car la première doit être pour vous.

Avez vous semoncé le paresseux Tiriot pour qu'il vous donne ses remarques? C'est un juge qui fait bien durer le procès qu'il a appointé. Il sera responsable de mes fautes. Pressez le, je vous en prie; car ce procès est devenu le vôtre. Le plus grand service qu'on puisse me rendre, est d'être sévère.

Pourquoi n'aimez vous pas les traits du tonerre? Mettez, si vous voulez, les feux ou les flammes; mais j'aime autant les traits. Vous trouverez ici quelques petites corrections. Si vous rencontrez dans votre chemin quelques expressions oiseuses, quelques redites, quelques pléonasmes, ne manquez pas, je vous prie, de me dénoncer les coupables. Je les bannirai à perpétuité de la Henriade.

J'ai lu les trois épîtres de l'auteur du Capricieux, des Ayeux chimériques, du Caffé, &c. qui donne des règles de théâtre, de l'auteur des couplets, qui parle de morale. Il me semble que je vois Pradon enseigner Melpomene & Rolet endoctriner Themis.

Je vous envoie l'ode sur l'ingratitude. J'ai dédaigné de parler de Desfontaines, il n'a pas assez illustré ses vices.

Je vous prie de donner à m. Saurin le jeune & à mr de Crebillon des copies de cette ode. Ils sont tous deux fils de personnes distinguées dans la littérature, que Rousseau a indignement attaquées. Ils doivent s'unir contre l'ennemi commun. Si Rousseau revenait, son hypocrisie serait dangereuse à mr Saurin le père, & le contre-coup en tomberait sur le fils. Je sais sur cela bien des particularités. Faites, je vous prie, mille compliments pour moi à mrs Saurin & Crebillon.

A l'égard de mr Hérault, s'il exige quelque chose de moi, je ferai ce que l'on exigera. Je vous prie de voir mr d'Argental, & de lui en parler.

Adieu, mon cher correspondant. Je suis bien sensible aux soins dont vous m'honorez. Mille compliments au gentil La Bruere, & à nos amis.