1735-01-09, de Guillaume François Joly de Fleury à Germain Louis Chauvelin.

Je n'ay ou vous joindre jeudy ny vendredy. Ce projet purroit il vous agréer? Peutêtre pourroit on y retoucher. Je l'ay fait à la haste, mais celuy qui m'a été envoyé en forme tiut le Canevas. Cela mérite encor d'être Réfléchi.

Il est bien cruel et bien douloureux pour moy de voir soupçoner la pureté de mes sentimens et d'être obligé de les justifier auprès des personnes que je désirerois le plus qui fussent convaincus de leur droiture.
Les lettres Philosophiques m'ont rendu suspect de penser contre la Religion, contre le gouvernement, et contre la pureté des mœurs. Je ne répéteray point icy en détail tout ce que j'ay dit jusqu'àprésent pour ma justification. Je comte trop sur vos bontés, M, sur la pureté de mes sentimens et sur la sagesse de ma conduite à l'avenir pour ne pas espérer grâce quand je n'avois aucune raison de demander mon retour à titre de justice.

J'ose vous supplier seult de vous souvenir que je n'ay eu aucune part directnt ny indirectement à l'édition de cet ouvrage que je déavouë entièrement. Elle a été falsifiée en plusieurs endroits, et dans ceux où l'on m'accuse d'avoir parlé contre la Religion, le gouvernement et la pureté des mœurs. L'exemple des 7000 étoilles mises dans le catalogue de Flamstad au lieu de 2999 est un échantillon des bévuës de l'éditeur qui marque son peu de scrupule à changer et mes expressions, et Mes pensées.

Je déclare que je désavouë sans aucune réserve tout ce qui dans les lettres Philosophique se trouve contraire à la pureté des mœurs, aux principes du christianisme, et à ce que je dois au Roy et au gouvernement; je regarde avec horreur et indignation tout principe qui peut aller contre la pureté des mœurs, et tous portraits qui peuvent les blesser. Je proteste de Ma soumission entière, de mon respect profond et de mon attacht inviolable pour la Religion de mes pères, de la mesme soumission, du mesme respect et du mesme attachement pour le Roy, pour ceux à qui il confie son autorité et pour tout ce qui émane de cette autorité suprême à laquelle tout sujet doit obéïr, et que tout sujet doit respecter. C'est un devoir que la naissance, les loix et la Religion m'impose et dont je ne m'écarteray jamais. Je me repends avec toute la vertu de mon cœur de tout ce qui m'est échappé de contraire. Ce sont là mes véritables sentimens, et je proteste que mes ouvrages, mes discours et ma conduitte prouveront à l'avenir la sincérité et la pureté de ces sentimens qui sont et seront toujours profondément gravés au fonds de mon cœur.

Il me reste à vous témoigner la douleur où je suis de me voir depuis dans une disgrâce qui m'est bien moins sensible par les peines et les tribulations qui y sont attachées que parcequ'elle me fait sentir perpétuellt le malheur d'avoir donné mauvaise opinion de moy au public et sur tout aux persones du monde que je respecte le plus.